Doublesensualite2

Un coup, c'est comme une caresse. Exactement pareil. Si différence il faut trouver, c'est dans l'appui, l'impact, l'élan. Et puis peut-être quelque chose du côté du bulbe qui sait que ça va claquer et pas effleurer, et que ce sera bon ainsi aussi.
Un coup, c'est comme une caresse, et c'est pour cela qu'on alterne si volontiers les deux jusqu'à ce qu'ils se confondent très parfaitement.

Un coup c'est comme une caresse pour celui qui donne et pour celle qui reçoit, parce que ça relève d'une semblable sensualité. Dans les deux cas, il y a la main, il y a la peau, il y a le cerveau. Que ta main effleure ou meurtrisse, que ma peau frissonne ou s'embrase, que ma gorge ronronne ou hurle, c'est de l'identique.


Hands that have drawn hands - Valerie Richards

Je ne suis pas dans ta tête. Je n'ai été, à mon grand regret, dans la tête d'aucun de mes amants que j'ai au fil des ans questionnés jusqu'à l'usure et au radotage pour savoir quel langage tenaient neurones et synapses quand leur main s'élevait, quand ils pensaient déjà à la manière dont elle retomberait, quand je ne savais pas encore si ce serait coup ou caresse, et peu m'importait, du moment que la main retombe, que le contact s'établisse, percussif ou soyeux.

J'espère que pour toi, coup et caresse soient semblables sosies. Que l'un comme l'autre soient des manières de parler à mon corps, de le flatter, de le conditionner, de le façonner à ta main,  ô combien, de le mettre à ta botte, de l'entraîner sur des sentes et des pentes où les sens se perdent pour mieux fusionner.
Un coup, c'est sérieux comme une caresse. Une caresse se mitonne comme un bon coup. Où la placer, quel effet procurer, quelle carte dessiner. Les caresses, on le sait, c'est la carte du tendre, promenade du bout des doigts dans des vallons et des côteaux, dessins de parcours imaginaire d'une langue agaçante. Les coups dessinent aussi, mais un tout autre paysage. Les rotondités sont les premières servies, et pour le plaisir de l'oeil, mais de l'oreille aussi, il s'agira de transformer une lune pâle et moirée en une planète rouge, martienne illuminée de l'intérieur, la peau soudain collante d'avoir été tant tannée. De la même manière que la caresse s'amuse de la chair de poule, le coup jubile du résultat à venir, de ces joues qui gonflent imperceptiblement, de la recherche de la couleur idéale, de bannir pour un moment tout souvenir du blanc. Et quand le rouge est mis, pourquoi pas tenter le bleu ? Dans les deux cas, le plaisir est au bout du chemin, et avec le plaisir, le rouge. On n'y arrive pas par le même train.

Autant la caresse ne doit pas être un va et vient machinal, minimum syndical du préliminaire obligé, autant le coup n'a rien à voir avec les battements d'une otarie bien dressée à jouer au ballon.
Et si le sm était plus proche d'un art martial (et de la chanson de geste, bien sûr) que du théâtre ?
Un beau coup sera un bon coup, comme une belle caresse, gracieuse, éolienne, sera une belle caresse. L'arc du bras, la position de la main, celle du corps qui reçoit aussi, la clarté du son,  tout cela, on sait que le coup a porté et qu'il se répand en mille ondes de plaisir et de douleur mêlées. Que la caresse qui le suit amplifiera les deux et réclamera encore des coups. Ou des caresses. Je ne sais plus. Tu te dédoubles entre coups et caresses, dureté et douceur. Ta main peut chercher des accessoires, plume ou fouet, ce sera rouge bonnet et bonnet rouge. Un sifflement de canne, soigneusement prémédité, placé très exactement où tu l'as voulu, premier barreau de la grille que tu as imaginée. Les circonvolutes d'un fouet devenu plumeau pour danser un tango sur mes lombes alanguies. Une coulée de cire sur un téton, un glaçon fondant sur l'autre, chacun pointera avec une symétrie géométrique. Le froid, le chaud, le dur, le doux, le miam, le ouille, tu affoles ma boussole.


A. Brito

Si j'aime les coups, c'est parce que j'aime les caresses. Le coup est juste plus délicat à placer, plus intime, plus lié à un contexte. Une caresse accepte le furtif, le grand air, la foule. Un coup demande l'isolement, la cachette, l'accord. Mais l'intention doit être la même. Réveiller les sens, les nôtres, ensemble. Me faire mouiller. Te faire bander. Nous amener au corps à corps ultime, à ne plus faire qu'un un bref instant. Les ondes de ma souffrance et de mon bonheur t'envahissent par ce vecteur qu'est ta main, ton fouet, ta canne, instruments conducteurs.
Je te caresse avec mon corps entier. Tu peux me battre avec tout ton corps itou. Assis sur mon dos ou mes cuisses enserrées dans les tiennes. Ta main qui prend son élan au creux de mon sexe, dopée par sa chaleur moite, avant de s'abattre. Une cravache peut carresser des reins avant de les brûler au retour.

Ta main légère électrise ma peau. Quand elle se fait lourde, c'est le derme qui crépite. La caresse est l'art du plein, le coup celui du creux. Entre les deux, mon corps balance.