Rue Bricabrac

Le fossé des séparations

Rue Bricabrac, bdsm, microcosme
photo Agnieszka

ON connaît bien la théorie des six degrés de séparation qui explique qu'entre chacun de nous et un quelconque autre qui vit aux antipodes, il n'y a tout au plus que six intermédiaires. Ainsi X, ce petit veinard de néo-zélandais ou Y, un péquin Chinois, peut être accointé à Dick Rivers, Jean-Luc Delarue ou Nicolas Sarkozy.

Quand on entre dans un microcosme, de six, on passe souvent à un. Quand je parle de microcosme, ce n'est ni du village globlal qu'est internet ni de la blogobulle (dont la chaîne se rompt par afflux de blogues zombies), mais des tchattes bdsm, forums du même métal et lieux virtuels- ou pas - affiliés.

De plus en plus, je me rends compte qu'entre moi et les autres, soeurs de coeur, amants d'un soir, inconnues, connus, aimées ou détestés, il n'y a le plus souvent qu'un seul degré de séparation. Et pour une obscure raison, cela me gêne. (Ce genre de réflexion est sans doute tout aussi valable dans un lycée ou une entreprise, mais j'ai le bonheur de n'être ni dans l'un, ni dans l'autre.) À tort, je pense vivre à la Brassens, loin de la rumeur publique et jamais à plus de trois pour éviter la bande de cons.

Je ne fréquente pas les clubs à donjon, dont tout le monde me dit grand bien, qui en vantant leurs qualités équipementières, qui en louant leurs formidables opportunités de rencontre. Je n'y mets pas les pieds parce que je tiens non point tant à mon anonymat qu'à mon intimité. Je n'ai pas envie de connaître une foule de monde, et encore moins envie qu'eux me connaissent, ou plutôt, pour gommer ce que la première partie de cette phrase peut avoir de péjoratif (non voulu), je choisis qui je veux qui me connaisse. Ce qui est impossibe en club. Alors, quand je chasse, je vais sur les tchattes. C'est un peu comme les ventes sur catalogue, mais c'est ça, ou laisser faire un hasard qui cumule les malvoyances, presbyte, myope, astigmate, strabique... En tous cas, j'ai l'illusion de créer mon club privé à moi que j'ai, et de dresser les chevaux de frise derrières les douves quand bon me semble.

Et je chasse de nouveau. Donc je retourne dans la zone ad hoc. Et depuis le temps que j'y reviens à intervalles irréguliers, ça crée des liens. Il y a celles qui disent tout, avec qui, dans quelles positions et en quelle année (ou quel mois). Il y en a d'autres qui ont un beau réseau de copains/copines dont on fait partie et qui détiennent sur chacun et chacune une fiche à peu près à jour, ce qui permet d'éviter les pénibles notoires, les menteurs pathologiques et les pique-assiettes (c'est assez hallucinant de voir la propension de certains centimaîtres à vivre aux crochets de leurs soumises). Il y a celles qui ne disent rien et dont on peut supposer qu'elles sont en train de se faire servir la même soupe par le même individu qui repasse les mêmes plats à tout ce qui porte jupe et baisse culotte, et qui mouline dès que ça mord, ne sachant plus laquelle il a happée, mais du moment que ça porte jupe etc. Il y a ceux qui ont des amis qu'on méprise ou dont on se méfie.

Exemples...
Lorsque j'avais rencontré P*** il y a quelques années, je savais qu'il papillonnait aussi du côté de chez C*** et E***, qui ne sachant rien de mes relations, ne s'étaient pas privées de me donner des détails. Quant à F***, il voyait aussi E***. Puis A*** et P***, peu avares de détails elles aussi. E***, rencontré récemment sans suite, m'a proposé de contacter C*** pour qu'elle me donne toutes ses références. E***, un autre, n'a rien proposé, mais fréquente avec grand plaisir l'un des petits marquis de la scène parisienne, personnage qui m'est antipathique au possible. P***, quand il sort de chez C*** se précipite chez V*** puis chez E***, chacune persuadée d'avoir l'exclu. Et N*** tient la gazette, mêlant aux vérités quelques extrapolations et mensonges, pour être sûre de garder la main sur son monde. Quant à M***, l'ex de T***, je suis si proche d'elle que (le cas ne s'est pas produit et ne se produira pas, mais il faut bien des hypothèses d'école) jamais, sans me sentir incestueuse, je ne pourrais même me laisser taper sur les doigts par cet homme. Enfin, concernant J***, et apprenant quelques-uns de ses secrets par le clavier d'une jacteuse, je lui ai signifié que désormais, je préférais faire bite à part de cette dame. (Les initiales ont été distribuées au petit bonheur la chance, en choisissant dans les plus répandues des prénoms français, le P*** pouvant donc signifier Pascal, Patrick, Paul, Philippe, Pierre... et les C*** Caroline, Chantal, Claire, Clotilde, Chiara, Clara.... Pas de clefs ni de "f" à trouver ici.)

So what ?

Rien de bien grave, sauf que la promiscuité me dérange à un tel point qu'un seul et unique degré de séparation n'est pas assez. Je crois que je hais l'idée que par le jeu de marabout-bout de ficelle, d'aucuns puissent soulever mes draps (on peut montrer son cul sur internet et garder certaines autres choses privées, que ce soit la couleur des poils du chat ou des serviettes éponges, la modulation de ses gémissements ou les confidences entre oreille et oreiller).
Un degré, seulement, de séparation, et j'ai la sensation (sm évidemment) de laisser ces personnes entrer dans ma vie. Et cela me dérange infiniment.

La théorie veut que six soit le max. J'aimerai mieux que ce soit un minimum.



Les petits brins

Rue Bricabrac, bdsm, bondage
photo Mick Luvbight

Il n'aime pas faire rouler les dés, le hasard l'indispose, il dit. Alors, je fais semblant de le croire. Pourtant, c'est drôle, les dés, ça s'additionne, se multiplie, se juxtapose, ça désigne un instrument, ça définit le nombre des coups, ça peut même indiquer leur force, comme le vent, comme les tremblements de terre. On peut tricher aux dés, les coups trichés sont les meilleurs, ils comptent double. Il existe toute sorte de dés plus extravagants les uns que les autres, avec très peu de faces ou au contraire une vingtaine, dans les magasins de jeux de rôles. Ils ont des ravissantes couleurs ambrées, veinées, nacrées. Les vendeurs me regardent d'un air amusé piocher çà et là pour les assortir.
Mais bon, exit les dés, à moins de s'en servir pour apprendre à jongler. Jongleur de dés à l'heure du thé chez Alice, une idée, comme ça.

Alors, j'ai cherché dans un improbable grenier de grand-mère, une boîte à couture, un panier à tricot. J'ai prélevé tous les brins de laine que j'ai pu trouver. Comme pour les dés, j'ai joué des couleurs et des nuances et des matières. Je les ai chacun coupés un deux morceaux inégaux. Le plus petit pour entourer, faveur à saveur de cadeau, qui la cravache, qui le paddle, qui le martinet. Le plus long pour cercler une fesse, enserrer un sein, marquer le haut du dos, trancher une cuisse, signaler un pubis. Mon corps comme une zone militarisée, des collines à prendre, des terres à marquer au fanion de l'envahisseur, un pied à prendre. Il ne lui restait plus, loin de tout hasard (cette part m'appartenant, puisque je prenais les brins au petit bonheur la chance), à refaire les paires, cravacher un sein, fouetter un dos, se jouer d'un sexe avec une tawse.

Dans mes cris, mes larmes, mes supplications, il n'y avait en effet pas de hasard.

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Coups de dés

Tu fais rouler les dés sur mes reins au garde-à-vous.
Des dés de toutes couleurs aux facettes multiples. Six, comme au 421, mais aussi douze, dix-huit, vingt, des dés de jeux de rôle. J'endosse celui qui me va le mieux, maso, et qui sait te dérider. Je suis à la fois la table à jouer, celle que tu roueras de coups consentis, celle qui roulera pour fuir après avoir rué d'importance. Ce qui fait rouler les dés, la soirée va se prolonger.
D'un coup de dé, le jeu est décidé. Parfois tu les additionnes et te saisis de l'instrument de ton choix. D'autres, tu décides que le dodécaèdre permettra de choisir l'instrument, le cube de marquer les minutes, et les restants, selon ton bon plaisir, qui sait si tu ne les multiplieras pas un jour. C'est formidablemet excitant de savoir que le jeu et le hasard décident de ma correction.
Tu fais rouler les dés sur ma croupe cramoisie et défaite.

Rue Bricabrac, bdsm, hasard, Catherine Jamieson

Photo Catherine Jamieson
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L'oreille
Juke Boxabrac
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La peau
Présentation

presque moi
aller Si j'expose mon verso, c'est pour le plaisir d'être jouée. Le masochisme est mon moyen de transport amoureux. Même si parfois je pleure... c'est de vie qu'il s'agit. Et quand tu me fais mal, j'ai moins mal.

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