La liseuse par Azraël
PAR hasard, j'ai retrouvé K*** il y a deux semaines. Cela faisait bien onze ans... De sa belle voix grave, dont il sait si bien jouer, enjôleur, allumeur, joyeux perturbateur, après les nouvelles d'usage, nous sommes repartis sur nos lectures, nos envies, nos jeux pas encore passés à l'acte.
Un peu moins en cale sèche qu'il y a un mois, mais encore un peu poussive, je lui ai confié avoir de nouveau envie d'être lectrice, sous la cravache ou la badine, voire les mains, dans une certaine position que j'affectionne, d'un texte érotique que je découvrirai à la lecture, sans pour autant baisser le ton ou l'interrompre de cris, fussent-ils de plaisir.
Entre Hummmm et Mmmmm, la voix en mode vibrato baryton basse, K*** me parle d'Esparbec, hétéronyme auteur de romans X, que je ne connaissais pas.
Commande-le, lis-le, ce n'est pas exclusivement sm, mais tu vas te branler comme une petite folle...
En trois clics chez mon dealer de prédilection, je récupère trois ouvrages du dit Esparbec, et deux jours plus tard, je me lance non point dans Amour et Popotin, au titre attirant (en ce qui concerne les illustrations de couv', pas de jaloux, ce ne sont que popotins rondelets, culs tendus, proses convexes...) mais dans La foire aux cochons, une sorte de Fantasmasia chez les ploucs vicelards.
Roman pornographique, c'est écrit dessus. Tels sont invariablement présentés tous les romans d'Esparbec. Et pareillement que K*** est un érotomane qui connaît tout ce qui peut encourager ses contondances priapiques, dessins, livres, vidéos... Esparbec est un pornographe. Il insiste là-dessus. Et en effet.
Je n'avais pas lu (ou entendu) le mot cramouille (qui rime avec mouille, pas de cyprine ici) depuis des lustres. Espaerbec n'est pas chic. Il n'a que foutre de la périphrase. En revanche, chez ces affreux, sales et méchants façon parodie de la littérature de gare (et de lard) américaine, tout est laid, vicieux, tordu, sale et truculent, hénaurmément. Inceste, viol, domination, tout y passe et tout le monde passe à la casserole, les filles avec leurs pères, les femmes offertes à d'autres par leur mari, les institutrices et les pasteurs. C'est de la collection rosse.
Bref, cela n'a rien à voir avec les érotiques élégants, les confessions de fausses jeunes filles ou les trucs mal écrits à la va-vite, mais avec leur comptant de bites couilles poils fouets. Esparbec a une truculence et un style étonnant de crudité sans jamais être vulgaire, même s'il est d'une grossièreté parfois roborative. Les sexes des femmes ne sont pas des coquillages nacrés, ni des puits d'amour, ls liqueurs ne sont pas poivrées ou iodées. Les béances sont couleur sang et sentent la moule pas toujours fraîche. Autant pour les sexes des messieurs, triques certes, mais mal lavés. Bref, la pornographie qui se revendique comme telle, qui ne veut pas de la joliesse, qui prend la chair comme elle vient, de la plus fraîche à la plus blette. Surtout, ça jouit à chaque page.
Et c'est là qu'on voit que le livre, les phrases, ont quelque chose de proprement magique, c'est qu'on (je) n'a plus besoin des mains pour se branler. Quelques phrases lues, alanguie sur le flanc, les cuisses qui se serrent, une fois, deux fois, trois fois tout au plus, et c'est parti. Le canard reste là, à regarder de ses yeux ronds, muet et au repos.