Mon PF préféré,
Tu le sais, c'est toujours toi que j'ai préféré à l'autre
bouffon exploiteur de lutins engoncé dans son costard (c'est toi qui
le lui as taillé pour l'hiver ? C'est gagné, parce que sur l'échelle
du ridicule, il arrive juste derrière les toreros...) rouge. Toi, tu
as toujours eu plus d'allure. La première fois que je t'ai vu, c'était à la
montagne, dans les Grisons. J'avais quatre ans. Il y avait le gros qui faisait "ho
ho ho", avec sa barbe en coton hydrophile (franchement, faut pas prendre
les enfants pour des cons) et son teint d'apoplectique. Il distribuait des
filets en forme de chaussette remplis des mendiants qu'on trouvait au Konsum du coin. Dans son ombre, comme un fantôme vêtu, capuche incluse,
de bure sombre et monacale, émacié, le visage passé au
brou de noix, figure de mort, tu avais en guise de faux un fagot. Tu n'avais
pas l'air d'un saint, ni d'un épicier. Tu faisais un peu peur, c'est
sûr. Tu m'as frôlé, j'ai négligé le filet
garni tout juste bon pour exciter les écureuils, je te bouffais des
yeux. Tout ce que tu représentais était tellement plus intéressant
que l'autre nouveau riche. Hélas, j'étais encore trop jeune et
trop candide pour te sauter au cou. Mais je n'ai jamais cessé de rêver à toi,
et de te prier de m'envoyer châtiments et rudesses, étrilles et étrivières.
photo LarindaME
Alors forcément, aujourd'hui, c'est à toi que j'écris.
La Poste, les sites internet et les vitrines de magasins ne te rendent pas
justice. Tu serais plus nombreux, tu pourrais hurler à la discrimination,
minorité injustement opprimée. Je te suggère de contacter
l'ogre de chez Poucet Inc. Il n'y en a que pour ton double bienveillant, en
vérité suppôt du capitalisme (si pas membre honoraire du
MEDEF) dont la mission est de favoriser le surendettement. Je lui laisse ses
rennes, je préfère tes rênes.
Déjà confiné à l'est, on te boute hors de nos frontières.
Ne serait-ce pas un coup de l'homonyme de Nicolas Saint, Sarko le nain, entre
Nico, on se serre les coudes, qui sait.
Alors que moi, j'ai envie de t'accueillir chez moi, te t'offrir l'asile méphistophélique,
le gîte et le derrière. Père Fouettard au pair, ça
doit le faire. Je ne suis pas spécialement dissipée, mais pour
toi, je ne serai pas sage. Mais alors pas du tout. Je pourrais enfin être
la sale gosse dont une éducation éclairée m'a tenue écartée,
et passer plus de temps en travers de tes genoux qu'à table, en prenant
garde de n'y mettre point les coudes. De folle du cul, je veux bien passer
nympho, me perdre sous d'autres lanières pour que tes verges me le fassent
regretter. De futile, je suis prête à me faire décolorer
le cerveau (certitude d'échapper définitivement aux racines brunes)
pour que, préfet à l'anglaise, tu me réapprennes à la
dure la logique, la grammaire, la géométrie et la philosophie.
Comme un maître de ballet russe, la baguette à la main, tu me
coacheras à l'heure de mes assouplissements et autres exercices gymniques
dont je sortirai moulue et bienheureuse.
Le matin, alors que je serais encore enchiffrenée de sommeil, attendrie
par les rêves, ramollie par la chaleur de la couette, et toi déjà vaillant
et vigoureux, tu me donneras ma fessée du matin, revigorante et roborative,
pour que le soir venu, je me présente à ton fouet et aux choses
sérieuses le cul nul et encore rosi, offerte à tes rougeoiments
du couchant. Prodigue moi mon fouet quotidien, celui sans quoi je ne suis que
zombie en panne de vie.
La nuit du 24, pour citer Mae West qui n'a jamais reculé devant un
mauvais jeu de mot allusif et égrillard, tu monteras et descendras dans
ma petite cheminée, et c'est une autre messe que tu célébreras,
ramoneur de mon coeur.
Tu sais, Fouettard, si on appelle tous les tawses, martinets, cannes, paddles,
menottes... des jouets, c'est bien en pensant à toi, et à personne
d'autre.