Le sm dans le miroir
En lisant l'excellent et si british Wilt in Nowhere de Tom Sharpe, où traîne un affreux personnage arrogant et méprisable, rendu plus détestable encore par le fait qu'il se fasse fouetter par sa maîtresse et les jours sans, feuillette des revues sm peuplées de petits garçons, je m'interrogeais - une fois de plus - sur l'image du sm.
Dans la pub, on le sait, elle est porno chic, fleur de cuir et anneaux de platine. Dans la photo, c'est souvent assez beau, fetish classieux et éclairages soignés. Dans la littérature non spécialisée (il faut reconnaître qu'il y a peu de littérature spécialisée, oxymore oblige, mais des choses écrites avec les pieds et des gros morceaux de bdsm dedans), sm rime avec serial killer, abus, délit, détraque et tout le toutim pas bien net. Au cinéma, qu'il adapte les livres comme Lune de fiel ou qu'il traîne dans les boudoirs ou boîtes à touzes, on tombe dans un grotesque grossier, petit théâtre de bobard, tout dans le skaï et le sarcasme (Je ne parle évidemment pas des films qui parlent directement de bdsm comme Fantasmes ou La secrétaire, pour prendre un exemple à chaque extréminté du spectre, ou du cinéma coréen en général...). Quant aux faits divers, on en a déjà suffisamment parlé ici avec ce pauvre Doudou riche Stern mort dans un combi latex couleur chair (eût-il été noir, le baron en serait-il sorti, toujours les pieds devant, mais autrement considéré ?).
Le sm, sport extrême ou divertissement bourgeois, semble destiné à faire frémir ou rire. Les jetons ou la beauferie. L'excommunication ou le dédain.
Pratiquante de quelque chose qui s'apparente drôlement au bdsm ou au sm, je me fiche un peu de l'étiquette exacte (donc j'emploie une fois l'un une fois l'autre), forcément, cela m'interpelle. Non point que je cherche à redorer mon blason, je n'en ai pas, rien de noir et or avec cravache de dressage et piques sur fond de gueule. Pour moi, s'il ne fallait qu'une image, ce serait celle-là. Et s'il en fallait une autre, parmi mille, j'ai choisi, aujourd'hui, celle-ci.
Photo CmdrBond
Elle parle de la contrainte, du fétichisme, du sexe. Elle est agressive. Mais avec malice, ces mains entravées qui barrent l'accès au sexe tout en étant si proches, c'est tentant, c'est Tantale. J'imagine les jeux, je tangue d'avance au déséquilibre, j'apprécie la mise en péril. J'applaudis la ludicité de celui qui a imaginé cette entrave précise. Clic clac, merci cosaque !
L'image du sm de nos jours me fait penser à celle de la femme dans les années 70. Comment en parler d'une manière pacifiée, tempérée ? En respectant toutes ses incarnations, y compris les plus extrêmes, puisqu'elles existent, même si ce ne sont pas les nôtres (ce sont en tous cas les plus voyantes) ? Comment, quand on se sent plutôt chatte, demander aux chiennes revendiquées de nous parler de leur désir ? Pourquoi ne retenir qu'un sexe cousu, une échine lacérée, un étron dans le bec plutôt qu'un baiser sur la marque d'un maillon, des dents cannibales dans un sein offert, une pipe avec cravache ? Pourquoi si souvent nier le sexe (mais pas l'orgasme qui arrive toujours à point nommé, comme la cavalerie, dans une tonitruance reconnaissante et reconnaissable) ? Pourquoi si peu parler d'amour ? Ce serait trop "normal", voire gnagnan, carrément planplan ?
(À suivre)