A Dada
En plus du traditionnel manège où il s'agissait d'enfiler l'anneau sur un batonnet, le jardin des Tuileries avait gardé une solide tradition cavalière. Des petits ânes, tout ce qu'il y a de vivant, invitaient à une promenade qui alors semblait une aventure, un aller et retour à dada sous les arbres, le long de l'allée parallèle à la rue de Rivoli.
Et à deux pas du Guignol, qui bastonnait avec une régularité de montre suisse le gendarme honni, une rangée de chevaux de bois, montés sur roulement à ressorts ou je ne sais quel ingénieux système qui leur permettait, à condition d'y aller franco du coup de rein, de basculer d'avant en arrière dans des grincements cacochymes.
J'adorais ces chevaux-là. De toutes mes forces, je lançais le bassin en avant, puis les fesses en arrière. Bien plus excitant que les balançoires traditionnelles, moins aérien, plus sportif. Carrément bourrin, on peut le dire. J'étais la cavalière, mais j'aurais voulu sentir les encouragements de la cravache pour aller plus avant, plus loin, plus haut. Je suis sûre qu'aucun des parents veillant leur précieuse progéniture, perverse polymorphe, forcément perverse polymorphe, ne pensait à ce que mimaient ces hanches enfantines. Et les miens ne devaient même pas effleurer l'ombre de mes fantasmes galopants.

Je n'ai jamais eu envie de devenir une pony-girl, mais la cravache a été la première de toute la panoplie des instruments de torture à me parler, rien que de prononcer le mot, je frissonnais... Devenir la monture, tes cuisses enserrant ma taille, assis sur mon dos pour m'immobiliser me rappelle les petits chevaux des Tuileries.

Le hasard a voulu que je naisse, si j'en crois les astrologues chinois, Cheval de Bois.

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