Yann Minh
J'ai fait la connaissance de Yann Minh, si j'ose dire, par livre interposé, un soir, en dînant avec des amis fondus de SF. Rien de ce qui venait d'être publié ne leur échappait. Dans le flot des conversations croisées, j'ai réussi à capter un titre, Thanatos - Les récifs, un indice, le sm.
Il n'en fallait pas plus pour que je fouine dès le lendemain. Je me souviens encore de ces paragraphe.
"Le reste du robot a maintenant l’allure d’un crabe scorpion avec ses deux pinces-scalpels écartées autour d’un long dard métallique. L’insecte d’acier descend lentement vers mes hanches. Une brûlure froide lorsque les lames s’enfoncent, puis l’explosion de douleur me submerge tandis que les lames incisent et découpent, profanant mon corps dans une barbarie sexuelle qui m’aurait peut-être contentée si je n’en avais pas été la victime.
La dernière sensation est le pal du dard me pénétrant, ultime supplice dans un chaos de souffrance.
Je m’enfonce dans une spirale de néant.
Je flotte dans un bien-être absolu, une sorte d’orgasme immaculé ralenti, qui s’étire lentement, interminablement, dans une blancheur éblouissante. Je me demande si c’est la mort."
Ses paragraphes me menaient au bord de l'insoutenable. C'est rare que je sois obligée d'arrêter de lire parce que les images que je me fabrique à partir des mots/maux de l'auteur me violent. Mais les siens me fascinaient aussi. Même dans ces mondes en apparence si loin de moi, je retrouvais quelque familiarité.
Un jour, sur Usenet, j'ai vu passer un message de Yann Minh signalant qu'il avait réalisé une série d'icônes pour Mac. Alléchée, je suis allée sur son site. Les dessins bornant les imaginations comme des douves anti-fantasmes galopants, je me suis attardée. Le garçon est multi-carte, info, photo, caméra, matière, vocabulaire, il fait sa pelote entre noosphère et cyber, robots et cerbères, machines célibataires et couples fusionnels, esse et emme, haine et aime.
Technoïde, certes, mais sensuel aussi.
Et surtout, concernant l'image de la femme, par rapport à son oeuvre, à la société, il a des arguments chers à mon coeur. J'aime lire cela sous la plume d'un homme.
"On a reproché à mes oeuvres, de conforter une réification de la femme, réduite à l’état d’objet sexuel soumis aux seuls fantasmes masculins.
Pourtant l’érotisme que je décris, bien qu’apparemment masculin de par ses archétypes, est un érotisme partagé par beaucoup de femmes, ce qui n’en fait pas pour autant, des victimes soumises à un machisme aliénant, au contraire.
Je pense qu’il ne faut surtout pas confondre les jeux et plaisirs de la sexualité avec l’oppression sociale qui maintient, même de nos jours, de nombreuses femmes dans un état de sous-prolétariat.
La cause féministe est juste dans une recherche d’égalité de salaires, de traitement et de reconnaissance sociale, mais il me parait très réducteur et même dangereux d’amalgamer des pratiques sexuelles hédonistes, souvent libératrices, avec la tyrannie machiste de notre technocratie.
Cet amalgame simpliste a pour conséquence d’éloigner des luttes égalitaires, les femmes qui par plaisir sont adeptes de cette esthétique de l’érotisme, et elles sont beaucoup plus nombreuses que la morale établie ou l’hypocrisie du «politiquement correcte» voudrait nous le faire croire."
Sa vision de Vénus. Ca me va. Ca me plaît.
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Comme il en écrit, dessine, film, imagine des foisons d'autres choses, de la même veine, qu'il invente des univers qui séduisent et/ou dérangent, mais qui ont la qualité d'avoir de la personnalité et du sens, le mieux est d'aller lui rendre visite.
Ceux qui pratiquent Unreal Tournament seront particulièrement comblé par un bonus track. |
Toutes les images ici reproduites, avec l'accord de l'auteur, sont évidemment de Yann Minh.