Rue Bricabrac, bdsm, gifle
photo From the ghetto of Libertyville

LA dernière fois que j'ai reçu une gifle, c'était une giflette à peine effleurée, mais le geste était là. Elle venait d'un dominateur qui tentait un peu tout, un homme que j'avais rencontré trop vite, trop tôt, après une rupture douloureuse, que je soignais par une boulimie bdsm. Immédiatement je l'ai repoussé, j'ai renfilé mon pull (un de ces immenses pulls surdimensionnés qu'il fait bon porter en hiver) et je l'ai chassé. Il s'est jeté à mes genoux, me suppliant de le pardonner, susurrant des mots qu'on adresse aux bébés.

La première fois que j'ai reçu une gifle, c'était sur un sentier de montagne, en retrouvant ma mère qui me croyait perdue, alors que j'étais juste partie quelques minutes aux myrtilles, dans les fourrés. Le soir, elle s'est mangé un sermon sévère de mon père qui ne croyait pas aux châtiments corporels, mais au dialogue.

Il n'y a pas eu d'autres fois.

La dimension humiliante de la gifle, plus que la douleur et la sensation que tout part en morceaux dans sa tête, me dérange. Comme tout ce qui touche à l'humiliation.
Pourtant, elle va et vient dans mes fantasmes. (Va plus que vient, en vérité.)

La première, c'est moi qui la donne. En sachant qu'elle me coûtera cher. Je le gifle donc. De rage. D'ire. D'hystérie. Je ne pense pas lui faire mal, je n'en ai d'ailleurs pas envie. Je lance de ma main éventail le début des hostilités. Je signe par ce soufflet la fin (temporaire) de la sensualité. Je me souviens du gant que les futurs duellistes se jetaient au visage. Le symbole est là.

Libéré de ses dernières retenues, il peut alors m'envoyer un de ces aller et retour qui sonnent en frôlant le KO et font la tête bourdon, et une fois la tête perdue parler à mon cul à canne rabattue.

Ou alors, mieux encore, avec une distance froide qui me glace et m'angoisse, il m'attache à une chaise (tout le monde n’a pas un pilori à ldemeure). Il m'annonce qu'il va me gifler. Deux fois. (Je sens les glaçons entre ses mots.) Ou quatre. On verra bien. Il m'ordonne de ne jamais fermer les yeux, même quand sa main s'approchera, même quand elle m'étourdira. Que ma punition sera celle-ci, et que chaque cillement ou tentative de baisser la tête, annulera non pas la gifle, mais le compte.

Et là, je ne peux aller plus loin. Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de cela. Je crois que ce qui me plaît, c'est de garder la gifle comme une épée de Damoclès, une véritable punition, quelque chose qui ne me ferait pas mouiller, que je pourrais enfin appréhender (et en écrivant ce mot, je réalise sa polysémie, qui reflète bien ma joue entre deux mains).

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