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Tout ça n'est pas d'une totale clarté, netteté.

C'est juste une image, certainement pas une image juste. Une image injuste, destinée à rester dans le moulin à fantasmes, pour une fois prié de ne pas trop la ramener.

Une image qui en enfante une autre, animée.

Pourquoi celle-ci me trouble plus qu'une autre ? Sûrement pas pour les socquettes, la culotte blanche et tout ce qui veut rappeller l'écolière et la school discipline. Pas même les chaussures dont je possède pourtant un modèle voisin, très après-guerre. L'accessoire cinglant, oui, mais bien moins que d'autres. Le fauteuil, à qui il ne manque que quelques centimètres de bois pour être aussi un carcan. D'ailleurs, je l'ai longtemps vu comme tel, il m'a fallu du temps pour réaliser qu'on pouvait s'en libérer.

Et à partir de ce fauteuil prison, dans cette position confortable et vulnérable, le moulin à fantasmes s'est mis à s'affoler.

Et c'est toujours la même séquence qui en sort, intacte malgré les années de service.
Si un mot devait clignoter au dessus de cette scène, qu'on peut imaginer comme un très court métrage, un flash ou une mise en scène dans une vitrine d'un quartier rouge, ce mot électrique au grésillement de faux contact, c'est punition.

Le coup était tellement violent que j'ai sursauté dans les carcans qui m'entravaient poignets et chevilles. Toi même, emporté par ton élan, en a presque fait un demi-tour. Ou était-ce pour tourner le dos à ma douleur ?

Ce jour-là, il n'était pas question de câlins entre les coups. Seule ta froideur avait rendez-vous avec ma frayeur.

Cela avait commencé il y a déjà un moment. Cela aurait dû être fini depuis un moment aussi. Mais tu ne m'avais amenée là que pour ces derniers coups. Tu m'avais mis la chair à vif, sans un mot, avec méthode, que pour arriver à cet instant où la douleur serait insupportable.

Rivée à cette installation de malheur, ne pouvant à peine tourner la tête, la gorge rauque d'avori déjà trop crié, je commençais à comprendre ce que pouvait être un supplice.

J'ai bondi encore plus fort au coup suivant, dans un hurlement. Sèchement, tu m'as rappelé que la famille, installée à table au rez-de-chaussée, entendait tout.

J'étais au delà de ça mais je me suis mise à grelotter, saisie parla glace malgré le feu que tu faisais pleuvoir depuis... depuis quand déjà ?

Et j'ai rugi au coup suivant, dans un vain soubresaut, soulevant le fauteuil sans m'en libérer.

Physiquement sûrement, moralement je n'en sais rien, jamais je ne pourrais supporter telle dérouillée. Ici, comme dans mes éclairs rêveurs éveillés, elle n'a pas de début, pas de fin, on peut supposer quelque faute fort peu vénielle, quelque dénouement vénéneux. Il n'y a pas de sexe non plus (pour une fois). Il n'y a que de la violence et une envie d'expiation.

C'est une image injuste et insoutenable que j'appelle et tiens à distance en même temps.