photo Paris Premiere
Dans le cadre du déconfinement des volailles,
Paris Première
a procédé à un lâcher de dindes assez impressionnant.
L'émission
s'appelle Ladies Night, et a pour but de montrer une sorte de Sex
and the City en grandeur réelle. Curieuse de ce qui touche à la
femme et au sexe, je m'étais posée devant la première émission,
ne tenant pas plus de 15 minutes (ces dames offraient à leur hôtesse,
une certaine Alexandra qui avait remporté de haute lutte ses palmes
de pintade en chef en se laissant baguer par un Bachelor, le premier ou le
deuxième,
je ne sais plus, un vibro-masseur pour son anniversaire. Une poule qui aurait
trouvé un couteau n'aurait pas autant glougouté)
tant les gloussements sonnaient faux (faut dire qu'à remplacer les bécarres
par des bécasses,
forcément, il y a des couacs).
Il y a quelques nuits, trop fatiguée pour lire encore, mais sans doute
pas assez pour dormir, je récupère ma télécommande
et j'entame le zapping. La 1, jet de sel par dessus l'épaule et gousses
d'ail en collier, la 2, la 3, la 4, la 5. Les dindes ! Toujours trois octaves
au dessus du niveau de la mer et devant une vidéo réalisée
par l'une d'entre elle qui avait traîné sa caméra et sa
supérieure (l'Alexandra) à la nuit élastique (organisée
par des gens qui manquent totalement d'humour et de distance si j'en crois
ça).
Verbatim en forme de passoire des caquètements de ces dames
- C'est glauque et triste (tu dis ça parce que tu n'aimes pas le noir,
chérie)
- Ils se fouettent entre eux mais ils sont super polis (manquerait plus qu'ils
mordent !)
- Moi ça me fait rien, j'y suis allée en journaliste (qui comme
chacun sait sont des robots sans émotions)
- Moi, je suis trop charnelle pour aimer les rapports
de domination/soumission, j'ai besoin de toucher (et de te documenter aussi)
- Tu vois, une belle fille habillée en cuir et cuissardes, ça
va, mais une femme ronde et mal coiffée, pfffff... (c'est sûr,
au gnouf les grosses qui onr raté leur brush')
Outre le fait que ce genre d'émission donne une image déplorable
de la femme par les femmes elles-mêmes qui n'en peuvent plus de reproduire
des comportements préhistoriques qui confortent les beaufs et les Zemmour
dans leurs fantasmes, il est assez éclairant sur la manière dont
le sm se montre, a le droit de se montrer et dont il est regardé.
Le sm (et les fétichismes y afférents, et même la sexualité d'une
manière générale), s'il se veut théâtre,
à partir du moment où il s'agit de représentation, se
doit de mettre sur/en scène
des figures normées (donc rassurantes),
des hommes aux plaques de chocolat et à l'ensellure lombaire enivrantes,
des femmes au grain de peau et au port de supermodel retouché par 'toshop.
Personne n'oubliera de passer son cuir au Baranne et ses piercings au Mirror.
Les ventripotents, les défavorisés du tarin, les nids à cellulites,
les hypermétropes
et autres handicapés de l'apparence - selon les critères de la
volaille télévisuelle à qui ils se tendent en miroir,
n'ont qu'à rester à la niche, avec leurs pinces à linge
sur les tétons et leurs bondages en cordes d'escalade.
C'est comme si ces envies voyeuristes se doublaient de cet étrange paradoxe
: voir les corps, oui, mais dans ce qu'ils ont de moins organique, de plus
poupée gonflable et plastique statuesque.
(La photo de la brochette ci-dessus n'est évidemment là que
pour montrer ce que la basse-cour cathodique considère comme physiquement
et capillairement correct.)