Rue Bricabrac, bdsm, bleus

IL n'aime pas le bleu, ou le bleu ne l'aime pas, ou les deux. En tube ou en poudre.

De ses dents dans ma chair complaisante et abondante, de ses doigts en crabe sur mes tétons, avec insistance, persévérance, il me fait des noirs.
Qu'on appelle bleus.
Et qui ne sont ni noirs ni bleus.

(J'ai cherché, il n'y a pas de belles photos d'hématomes, pour employer la terminologie dépoétisée de la médecine. Il en a de superbes de femmes fouettées parfois avec une cruauté écarlate, mais pas de bleus. Elles ressemblent toutes à des pièces à conviction sur le bureau d'un commissaire.)

J'ai souvent aimé être (ou imaginer être) une toile sur laquelle on écrirait ou peindrait. C'est P***, le premier du nom (du moins dans ma vie sexuelle) qui m'a appris à aimer les marques tant il les aimait lui-même. Je l'ai rencontré à la sortie d'une relation avec H*** qui m'en laissait tellement qu'elles mettaient une semaine à passer, que j'avais dû acheter un maillot de bain à petites jambettes pour continuer à nager sans jouer les exhibs. Ces marques alors me gênaient, témoins de ma condition, que je n'assumais pas encore totalement, tellement en fracture avec ce que je pensais. P*** avait eu une manière de parler de ces marques, de les caresser, de les aimer, de chercher à en faire de belles que j'acceptais ses coups avec la boucle de la ceinture (de sa main, celles-ci n'étaient pas aussi féroces qu'on aurait pu croire). Il ne trouvait pas la boucle de ceinture sexy, juste les marques qu'elles laissaient. Et je ne me suis jamais sentie maltraitée par ces coups-là.
Il ne s'agissait pas d'un concours d'intensité, mais d'esthétique. Si l'on peut dire.

Il a mordu, aussi fort que possible, aussi longtemps que tenable. Et ailleurs. Encore ailleurs. Sans doute par là-bas aussi.

Je ne me suis pas regardée, je me suis endormie.

Le lendemain, surprise. Mon corps, qui sait si bien somatiser, qui déclenche les maux les plus baroques sans autre forme de procès, m'avait réservé une nouveauté. J'ai dans le haut du bras gauche (et du droit aussi, mais dans une moindre mesure) un "noir" qui m'interdit de dévêtir mes bras. Je ne l'ai pas vu tout de suite, ou plutôt, je ne l'ai pas senti. C'est noir, grand, moche, violent. Mais ça ne fait pas mal. Il faut appuyer très fort pour sentir un rien. Si ça se trouve, c'est l'appui qui fait ce petit mal. J'en ai d'ailleurs deux autres dans le dos, tout aussi insensibles. J'ai eu bêtement mal pendant l'action, désagréablement, mais là, rien. Nib. Macache bono.
Je me souviens que le lendemain, le surlendemain, et encore un ou deux jours par dessus, après certaines nuits de pleine lune et de chaleur rousse, le simple fait de porter un pull ravivait souvenirs et douleurs exquises, et m'asseoir était une douce torture.

J'écoute ce que me raconte mon corps. Et je cherche aussi une paire de manches pour demain soir. Parce que là, ça ne ressemble vraiment pas à la compil Tom of Finland de chez Taschen qui me serait tombée dessus, trop grande qu'elle était pour la Billy de base. Un prothésiste dentaire pourrait même en tirer deux gouttières sans avoir besoin du bonhomme. Juste le bleu. Noir.

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