Rue Bricabrac, bdsm, regard
photo H O T B

C'EST une histoire sombre. Comme le côté obscur que nous portons tous en nous, même et surtout quand elle est assumée, ou quand bien même est-elle assumée. Le BDSM, c'est pas un truc pastel.

Il dit que des femmes l'ont trouvé beau quand il fouettait. Les femmes, et les hommes aussi, disent n'importe quoi dans ces moments-là. Les femmes flattent les hommes dans l'espoir qu'elles y gagneront de l'audimat. Et réciproquement. Le mensonge est la chose du monde la mieux partagée, c'est plus facile, plus rapide, plus diplomatique, moins casse-bonbons de mentir que de balancer une vérité plus blessante qu'un coup de fouet. Il n'est pas beau (enfin, ni plus ni moins que quand il tire sur sa clope ou se jette un kawa au comptoir) quand il fouette. Dans son regard, passent toutes les folies qu'il se retient de faire. Sa peur. Immense. Son désir. Un grade en dessous de sa peur. Il cligne des yeux, il se modère. Il respire. Ce n'est pas de beauté qu'il s'agit-là. Il joue avec l'idée de se laisser aller à l'ultime geste. Le surmoi vacille et se redresse. Puis il donne une version light de l'irréparable.

Il a le regard d'un serial-killer dans une série B ou dans un manga. Brando, Newmann, n'auraient pas choisi ce regard. Daniel Day Lewis, Robert de Niro, oui. Presque tous les hommes que j'ai connu avaient ce regard. Les plus conscients bandent les yeux de femmes, non pas pour les objectiver, mais pour leur cacher leurs prunelles de crépuscule. D'autres, plus hâbleurs, et à qui on a dû dire qu'ils étaient beaux ainsi, les exhibent. Je n'en ai croisé que deux qui n'avaient pas cette folle et trouble violence dans la pupille. L'un faisait du judo en professionnel, l'autre pratiquait le tir. Ils fouettaient comme dans un dojo. En totale maîtrise. Pas avec le pieds sur le frein, pas avec des pneus lisses.

Le bdsm, c'est la saccharine de la pulsion de mort. Elle protège les masos de l'autolésionnisme. Elle garde les sados du meurtre en série. "La secrétaire" ne dit rien d'autre, c'est dit joliment, avec euphémisme. Mais c'est dit.

Il dit à sa partenaire qu'elle est belle. Les hommes, et les femmes aussi, disent n'importe quoi dans ces moments-là.

* Que Bataille me pardonne.