Rue Bricabrac, bdsm, surréalisme
Luxure - Clovis Trouille

J'AI fait mentir mon nom de guerre : j'ai rangé ma bibliothèque. C'était un sacré bazar, il faut le reconnaître. Doublé d'un nid à poussière. Trois lombaires au champ d'honneur et la surprise de découvrir mon nez toujours en place malgré des éternuements dignes de la saison des foins plus tard, tomba ma récompense.

Sous la forme de la page 245, une reproduction d'une toile de Molinier, qui essayait de s'échapper d'un petit livre au pâle ocre jaune. Suivie d'un décollement de la 247 : chapitre IV, SADO-MASOCHISME.
Publié en 1971 chez Idées/NRF, il s'agit de l'épuisé Surréalisme et sexualité, de Xavière Gauthier. Je croyais l'avoir prêté, perdu, je l'avais pleuré. Je n'imaginais pas le feuilleter à nouveau.

Ce livre a été essentiel dans ma vie. J'avais presque 17 ans, tous mes fantasmes encore intacts, j'oscillais entre un très précis et douloureux sentiment d'anormalité et un solide sentiment de singularité et d'exception. Ce n'était pas le mouvement féministe qui allait me réconcilier avec cette sexualité tellement différente que personne n'en parlait. La liberté sexuelle n'allait pas jusqu'aux "perversions" (peu de temps avant, faire l'amour sans penser à procréer en était aussi une, de perversion). Et voilà que cette femme, professeure, féministe, militante, abordait, à travers les surréalistes, l'Éros sous toutes ses formes. Bien que j'ai tout lu de la première à la dernière page, certaines parties des 247 et suivantes ont supporté mes masturbations (je n'avais besoin que de lire et de serrer les cuisses, look mom, no hands) quotidiennes.

La croupe frémissante se contractait spasmodiquement.

Et toujours dans le même Desnos

La croupe sonore avait été cinglée par le plat de la main et ses muscles seraient bleus le lendemain.

J'étais fascinée par Luxure, un tableau de Clovis Trouille, et son Dolmancé a affirmé mon goût fétichiste pour les costumes XVIIIe, les costumes masculins.

J'aimais déjà les surréalistes. Ils m'ont aidée à aimer ma sexualité. Je me suis mise à en lire certains en pensant trouver mille et un récits de verges, et j'ai découvert des univers littéraires tellement séduisants.
De ces émois restent des paillettes d'orgasmes et des pages de mots. Et c'est aussi depuis Surréalisme et Sexualité que je sais que sans les mots, les maux ne sont rien.
Je peux faire l'amour comme on fait la guerre. Je peux accepter qu'on me fasse l'amour comme on commet un crime.

Ma madeleine aujourd’hui se prénomme Xavière.