Rue Bricabrac, bdsm, punition
photo Simmer

ELLE m'a un jour raconté qu'il l'avait punie, à cause de sa fièvre acheteuse. Cinquante coups de ceinture. Attachée parce qu'elle essayait de se dérober. Qu'elle avait pleuré. Qu'elle l'avait insulté.
Et que depuis elle faisait gaffe à ne plus être à découvert.

Il m'a demandé si je n'étais pas en manque de punitions.

J'ai failli lui dire, avant-hier, alors qu'on se chicorait verbalement comme souvent, par provocation et de guerre lasse "et alors ? Punis-moi !"

M*** me confiait que B*** avait encore besoin de passer par la case punition pour s'en prendre une bonne, alors que lui savait jouir de la simple jubilation des lanières qu'on abat.

Je n'ai pas été souvent "punie". J'ai été châtiée, comme on est aimée, pour la beauté du geste, par consentement mutuel. L'idée de punition pourtant traînait là, toujours, puisque ma scène originelle, en maternelle et par le biais d'un garçon blond sévèrement fessé cul nul par la maîtresse, comme un petit théâtre, face public, était celle d'une punition. J'ai fantasmé sur la punition, sur ma jouissance honteuse arrachée, prodiguée, malgré moi.
Mais la punition pour de rire reste bien pour de rire. Et j'aurais peut-être voulu de la punition pour pleurer. Pas de jeu de rôle. Pas de jeu drôle. Du dur.
Et les "punitions" (il n'y en a pas eu cinq dans toute ma vie) que j'ai reçues m'ont toutes laissé un goût épicé de revenez-y. Au point que le mot seul est loin de me laisser indifférente (et ma différence se mesure en unités hygrométriques).

Fais-moi mal, dit le masochiste. Naaaaaaan, répond le sadique. Blague de cour de récré. La seule punition pour le masochiste, dans son attente éperdue de la douleur qui fait du bien, serait-elle de ne pas être touchée (ni regardée, ni parlée). J'existe quand tu me touches. Je me sens aimée quand tu me rudoies.

Fais-moi mal pour de vrai, c'est quoi ? Un direct à la mâchoire ? Un coup de pied dans les tibias ? Ou cent cinquante coups de ceinture sans safeword (et sans câlins post fouettum) pour deux points de permis en moins ou un poisson rose à l'arrête ?
Je ne sais pas ce que seraient ces punitions de chez punition, mais je pressens que, pour qu'elles puissent exister, sans sombrer dans le cliché, le crapoteux ou la discipline domestique, il faille beaucoup de complicité, de paix et sans doute d'amour. Ce n'est pas du domaine du one night stand (ou one croix de Saint-André stand), des premières fois, des quickies.

Dans une relation vanille, il n'y a pas besoin de prétexte aux caresses. Il n'y a pas de "tu as décroché le contrat des cuisines Kicuis aujourd'hui, chéri, je vais parcourir chaque parcelle de ton dos, tes fesses, tes cuisses et tes orteils de ma langue, mon héros" ou "m’amour, j'adore ta nouvelle paire de Louboutin et ta petite robe Manoush, vient que te pelote les seins".
Dans une relation SM, on pourrait aussi penser que, hors d'une codification trop précise, sans papier à musique, avec les moyens du bord et dans le mouvement, on se badinerait comme on se lutine. A deux mains, puisqu'on le veut bien. Pour le bonheur partagé de la douleur qui passe, repasse, vibre, chante, résonne. Pour l'absolue délictuosité de deux corps unis par cette douleur qui circule si bien. Là où il y a de la géhenne, il y a du plaisir.

Pourtant, à la prochaine occasion, je te le lâcherai, ce "Punis-moi" !
(Je suis incorrigible.)