LA masturbation, quoique commode, n'a jamais été une panacée. C'est plus un soulagement. Une autre manière de se gratter quand ça démange. Je ne parle pas de ma période d'avant ma vie sexuelle avec un partenaire. D'ailleurs, j'aime beaucoup me faire masturber, même si les séances de masturbation réciproque sont un à mon sens plus du domaine du touche-pipi-merci-donnant que de la pyrotechnie que j'évoque souvent.

Mais bon, parfois, souvent, mollement, follement, ça dépend, je me masturbe, avec un bon bouquin ou un canard (je ne me sers pas des deux de la même manière et un bon livre a ceci d'écologique qu'il me dispense de l'usage du canard, et que je peux garder mes deux mains pour tourner les pages, comme quoi, le cerveau, c'est quand même lui l'Organe). Et ça marche. Si bien qu'il m'arrive non seulement de gémir, mais de crier, de me cabrer. Et ça fait peur au chat, qui me bousille mon after.
Ça marche parce qu'il y a les lobes, qu'on pense à lui ou à Tchéky Kario, et qu'on trompe la solitude avec la pensée, cette Pénélope qui n'a pas encore rejoint Morphée et qui tricote une belle tapisserie.

Rue Bricabrac, bdsm, masturbation
photo Liapinto

En revanche, bien que mouillant (ayé, je me fais un petit coup retour de la revanche de la chatte en folie, bien baveuse et rosée à la raie avec un degré de chaleur d'hygrométrie qui donne envie d'aller se sécher au frais à Singapour) d'une manière immodérée dès que quelque instrument (de la main à l'un des bidules qui traînent dans le sac à malices) s'approche de ma peau, joue d'un téton, caresse une rotondité arrière, trace son chemin entre mes omoplates, écarte mes cuisses, siffle dans l'air... bien que je puisse rêvasser et construire des scénarios pas follement élaborés, mais terriblement excitants en préparant pour un amant en chemin vers mon boudoir une carte du rude... bien que je puisse me souvenir de ces coups de battoir dont j'ai cru que oui, comme dans la chanson, ils allaient me fendre en deux, des straps qui auraient pu être méchantes si la main n'avait pas failli, et de la belle rouge et de son cousin acier à queues et noeuds qui depuis qu'ils ont traversé la grande mare n'ont pas perdu leur odeur extatique de cuir fumé... bien que donc, et même malgré que (et que ceux qui considèrent l'expression comme impropre relisent Rousseau), je suis incapable de prendre une once de plaisir à me frapper moi-même.
(Je surtout fâcheusement infoutue de me frapper moi-même, la cire d'une bougie ne me fera ni chaud ni froid alors que je peux sans le moindre état d'âme prendre une lame de rasoir et m'ouvrir la jambe. Je précise que ce dernier cas n'est pas mon passe-temps du moment, que l'on fait des conneries quand on a 14 ans et que cette dernière action ne m'a jamais déclenché une giclée d'endorphines.)

J'y ai pensé. Pas à froid, en rentrant d'une journée pénible (pléonasme), comme d'autres sirotent leur pur malt (ou dans le cas de quelqu'un que nous connaissons, leur 12°5 avec bouchon de plastique ou en cubi s'il y a eu promo chez Carrouf). Évidemment. Pas moins sur ordre, avec le ton impérieux et sec qui convient, "je veux voir les marques en arrivant chez toi" (je choisis lequel, le Russian red de Mac ou le 190 de Shu Uemura ? Ou alors mon vieux Chanel 22, rouge ultime jamais égalé, qui n'existe plus et qui doit comporter depuis tout ce temps plus de bacilles que ce que les labos nous préparent pour la prochaine guerre bactériologique, les phtalates et le paraben, à côté, c'est de la gnognotte). Je me souviens avoir vainement essayé devant A***. Mon bras, pourtant habitué à des gestes plus vigoureux, devenait mou comme un membre mort ou la poignée de main d'un jeune UMP.

Même pas seule, sans témoin de ma misère sexuelle, avec au creux du ventre une envie boulimique comme un appétit, une faim de louve masochiste et exacerbée, avec le désir d'entendre résonner le coup qui bat et s'abat, avec oui le souhait de passer mon doigt sur un début de boursouflure... je n'ai pas pu, je ne peux pas. Même en rêvant à Tchéky Kario ou à, tiens, James Blonde, qui avec ses faux airs de Poutine, fait un objet du fantasme tout à fait convenable.

Rue Bricabrac, bdsm, masturbation
photo Meredith Farmer

Pourquoi le canard et pas le chat ?
(Non, pile n'est pas la bonne réponse.)
(Je n'ai jamais essayé l'autobondage, je crains que çe ne me fasse pas plus chaud.)