Rue Bricabrac, bdsm, code barre, soumise
D.R.

EN tombant sur le slaveregister et son code (bar)barre à l'usage des soumis(e)s, je pensais avoir touché le fond d'une forme d'imbécillité dans le bdsm. C'était oublier qu'un petit gaulois résiste dans son coin, et, guidé par des dieux de la bureaucratie mis en congés par l'exKGB, a imaginé la carte de soumise, à laisser traîner ostensiblement dans un coin de son portefeuille, ou à porter autour du cou comme les mineurs non accompagnés en avion.

Le promoteur de la chose, je l'avais croisé un jour de promenade sur les sites de sourciers de sites avec O, et un fou rire nerveux, associé à une vie un peu plus excitante que ces jours-ci, me l'avait vite fait oublier. Son bouge de petit caudillo au degré zéro arborait l'enseigne "Montrées". Il a changé de nom mais pas d'esprit, se proposant même aux heures des repas, et à condition que celles-ci ne soient pas en surpoids, de surveiller de temps à autres les soumises des mémètres en déplacement ou occupés à sauter leur collègue de bureau déjeuner à la cantine. Mais surtout, son chef-d'œuvre, n'ayons pas peur des mots, est la mise au point de cette "carte de soumise", sur le modèle de celles déjà existantes, de Confinoga à Club Med Gym en passant par celle du pressing du coin et les fiches de police. Car chez lui, il y a l'empreinte du pouce. Comme dans les films avec PJ. Ca rigole pas. On attend impatiemment la biométrie.

La photo, au contraire de celles d'identité, ne montre pas une tête qui fait la gueule (les nouvelles recommandations exigent une "expression neutre"), juste un sourire vertical et deux nichons, numéro graffité au feutre sur la cuisse, bras façon Vénus de Milo. On dirait une poupée gonflable de voyage. (Je ne suppose pas l'hommage à Coco Chanel qui n'aimait pas les genoux.)

A la limite, que des gens s'amusent à cela, chacun son trip. Si un homme et sa femme conçoivent de l'excitation à glisser une photo à oilpé d'icelle, collier de chienne au cou ou anneaux au sexe, dans les pages roses de son permis, pour un rougissement face aux gendarmes, ma foi... On pourrait même s'amuser de la prose pseudo administrative du gazier, sérieux comme la papauté au grand complet, qui doit résulter de la lecture assidue de polices d'assurances et de CGV diverses. J'imagine bien ce type qui a passé des heures à rédiger son machin en lui donnant les airs le plus officiels possible (officiel comme dans la tête d'un môme ou de Luc Besson) pour que ça ressemble à ces dossiers lourds, actes notariés, poulets indigestes, réglements de sociétés coercitives. C'est du boulot, à la mine de plomb et en tirant la langue...

Là où ça devient soit désespérant, soit encore plus hilarant, selon l'humeur du jour, c'est quand on découvre une liste de boutiques, boîtes et autres lieux prêts à consentir une ristourne sur présentation de cette carte. M'sieur exMontrées suggère d'ailleurs dans ses conditions d'utilisation que

La carte devra être présentée à toute réquisition : les cartes délivrées sont accessibles en permanence sur le site, voir ci-contre, pour permettre à chacun de vérifier la validité d'une carte présentée par une soumise (boutique, bar, club, soirée privée...).
Rappel : aucune discrétion n'est demandée aux établissements offrant des promotions, ils sont vivement incités à prendre leur temps pour bien vérifier la validité des cartes...

Personnellement, il se trouve que je ne traite avec aucun des commerçants immiscés dans la combine, mais dorénavant, j'enregistre les adresses pour être sûre de ne surtout pas y aller (tout en remarquant qu'ils avouent ainsi vendre aux gogos non encartés avec une marge plus que confortable, quand je dis que les marquis, ça ose tout, chaque jour me donne raison !).

Oui, il a dit "réquisition".
Oui, vérifier la validité des cartes ne suggère pas d'aller sur le site avec une loupe mais de mettre la main au cul des vaches des soumises, comme les maquignons sur les marchés aux bestiaux.
Oui, la lecture des pages que l'on trouve en se baladant dans l'arborescence prouve que cet Anarchaine a un délire extrêmement sérié, détaillé, maniaque, glauque.

C'est marrant, là, j'ai comme une vague envie de gerber alors que je n'ai même pas fait d'overdose de chocolat.

(Non, je n'ai pas mis de lien, mais ceux qui voudront trouveront assez facilement.)