Rue Bricabrac, bdsm, code-barre, contrat
Ralph Schenck

JE pensais avoir tout lu en parcourant ici et là des contrats de soumission, qui sans notaire, mais avec signature sanguine, mais pas loin, se donnent sans concessions, mais à ses (celles du maître qui s'écrit avec une majuscule, comme dieu quand on suit les bonnes règles de la typo, ou le Roy, du temps où...) conditions. Après tout, chacun est libre de contracter, et libre de penser qu'il peut renoncer à la liberté, aussi morbide cette pensée soit-elle (si je me base sur l'alternative свобода или смерть, la liberté ou la mort).

De l'homme, de l'amant, comme patron tout puissant. Droit de cuissage, droit de servage. Et le sevrage comme licenciement sec. C'est peut-être cela le maître. Je digresse. Je voulais aller ailleurs aujourd'hui, même si, dans le fond, il s'agit toujours de la même chose.

Comme si, or donc, le contrat d'opérette ne suffisait pas, qu'un tatouage aux armes de la maison, voire un branding pareillement constitué, n'étaient pas encore assez explicites pour prouver son appartenance, des petits malins ont mis en place le Slaveregister(après tout, on trouve sur la toile des cimetières de sites morts, une boîte à meuh, un blog d'authentiques rebelz (âmes sensibles s'abstenir, c'est violent) et mille autres conneries, alors pourquoi pas le registre des esclaves).

En plus du contrat et des petits Mickey en encre ou feu, les soumis(es) ont un numéro d'ordre à neuf chiffres, inscrit dans un grand livre (bonjour la symbolique) virtuel, assorti des mesures anthropométriques (souvenirs, souvenirs), celles qui comptent au royaume du BDSM, tailles de cou, de chevilles, et de poignets. En cas de litige entre nouveau et ancien propriétaires, les administrateurs de Slaveregister pourront arbitrer (penser à faire attention à ce que le soumis ou la soumise ne varie de poids) sur pièces justificatives. Lequel aura eu soin de faire imprimer ses étiquettes à code-barre, voire son mug et bien sûr, don suprême, en tatouage, sur la nuque ou au bas des reins. Je suis ton (vôtre plutôt, chez ces gens-là, on vouvoie la divinité suprême) numéro pour la vie.

(J'ai voulu en savoir un peu plus sur les animateurs de cette fumisterie fasciste. À l'origine de TSR, House of Tanos, tenu par un gars bien allumé qui ne kiffe rien tant que les prisons et l'esclavage, le vrai.)

Alors que pendant sa campagne électorale, l'actuel amant de Carla Bruni, avait déclaré "L'homme n'est pas une marchandise comme les autres", ce qui supposait qu'il était une marchandise, particulière certes, mais marchandise bel et bien, ce genre de site prend tout son sel.
Je dis site, façon de parler, ce qui me brutalise et que je fustige, c'est l'esprit qui lui est assorti. Des hommes et des femmes qui se reconnaissent comme une marchandise, ou comme le propriétaire d'une marchandise. Un BDSM, qui prétend à grands cris de ouistitis se situer du côté libertaire (qu'il appelle en abusant à tout bout de champ du terme transgression), alors qu'il traîne ses guêtres douteuses du côté le plus libéral qui soit. SirStephen/Parisot, même combat. Maître/MEDEF, même marigot. Dresscode dans l’entreprise et à la maison.

C'est pour cela que je le fuis, ce BDSM, que je ne m'y retrouve pas (d'autant qu'en autodidacte de la chose, je me suis construite sans dogme, avec des bribes de littérature et une tonne de fantasmes que je croyais personnels, et qui heureusement, ne l'étaient pas). Je ne cherche ni à choquer le bourgeois, ni à abdiquer mon humanité. Je ne suis pas de la chair à code-barre. Si je suis un objet, c'est pour mieux redevenir sujet. Et c'est parce que je suis un sujet que je peux m'offrir le luxe, ô combien reposant, de me laisser réifier.
Mon BDSM, est-il encore besoin de l’affirmer, c'est la sensualité, l'érotisme, le jeu. Rien d'autre. Pas de théorie, juste des envies.

(Le code-barre, on peut aussi l'avoir dans la tête, et là non plus, je n'en ai pas.)
(Pour éviter le point Godwin, je n'ai pas disserté sur ce que m'évoquait un numéro tatoué sur la peau.)