LE long-métrage japonais Quand l'embryon part braconner de Koji Wakamatsu est un de ces films tout à la fois sublimes, malades, sombres, engagés, dérangeants, excitants, révoltants, étouffants, érotiques, politiques, esthétiques, chaotiques... et tout un tas d'autres choses que la morale réprouve et que la liberté approuve.

Rue Bricabrac, bdsm, cinéma, censure
Zootrope Films

Un homme et une femme, lui vengeur, elle consentante pour une nuit d'amour, mais pas pour le fouet, la fessée, les insultes, la laisse, enfin, la corde, et les humiliations. Une nuit d'humeurs, d'horreurs. Le corps de la femme est désirable. Sa douleur est palpable. Le noir et blanc est sensuel. Oui, le film est violent. Il est sadien, aussi, dans un huis-clos qui renvoie à des oppressions subies par la jeunesse japonaise dans la société des années 60 et qui nous sont inconnues. L'image de la femme n'y est pas plus dégradée (l'une des raisons de la censure française, avec la "violence morale") que celle de l'homme (d'ailleurs, la Ligue des Droits de l'Homme s'insurge contre l'interdiction aux mineurs). En tout cas, la dignité des uns et des autres est mille fois moins attaquée que dans des émissions comme La roue de la fortune ou la Star Ac'.

Et voilà que l'agrégée de lettres échappée du château de Versailles (son haut fait d'armes fut d'avoir facilité le tournage in situ du Marie-Antoinette de Sofia Coppola) qui siège actuellement à la Culture a suivi l'avis de la commission de censure et a interdit ce film, distribué dans un circuit art et essai, aux moins de 18 ans, ce qui équivaut à un arrêt de mort par étouffement (pas de diffusion sur Arte par exemple, donc pas de droit télé, et vu que le film est dépourvu de toute séquence de pénétration, ce n'est pas Canal+ qui le prendra pour sa séance du samedi nuit, d'ailleurs, pas de sm sur canal... on fait dans le porno mais faut pas déconner non plus).

Le distributeur fait appel. Espérons que les conseillers d'État auront un peu plus de raison que la ministre.

On remarquera que les films qui se font ainsi sanctionner ne sont jamais ceux, connement violents et salement dégradants pour ceux qui les font et qui les regardent, distribués par un grand circuit. En attendant, ceux qui habitent Paris (deux salles rive gauche) ou Toulouse (Utopia évidemment) peuvent le voir.