J'AI certains soirs de rêverie vagabonde l'envie que mon partenaire me bascule un instant dans une telle douleur, dans tant de larmes et de cris, que j'en vienne à le détester, mais qu'à peine la haine affleurante sur mes lèvres, il s'occupe à me faire changer d'avis, tout cajolant et d'une douceur insolite, et que par contraste et paradoxe, son souffle sur ma peau soit la plus intense caresse et endorme ma révolte.

Je ne suis évidemment pas seule dans ce cas, c'est du fantasme bien banal.

C'est ainsi que j'ai lu ceci sous une plume féminine, qui louange régulièrement l'homme qui a fait d'elle une amoureuse :

Je n’attends plus que ce jour ou Il restera sourd à mes cris, à mes supplications, à mes larmes…
Ce jour là nous irons au bout… au bout de moi… au bout de Lui… au bout de Nous… au bout de tout…

Rue Bricabrac, bdsm, mort
photo Kookei

"Au bout de tout" ? C'est où le bout ? C'est quoi le tout ? C'est une fois qu'on a franchi, en bonne pouliche dodécathlonienne, toutes les limites et étapes (refrain connu) imposées par mémètre, le dogme et la mauvaise littérature spécialisée ? Une fois que sont posés les anneaux, dépoilés au laser le pubis et les dépendances, brandé au cul les armes de M le M, tatouées les mêmes en une place plus épaulée, brûlées toutes les culottes, verrouillé le collier d'acier, gangbanguée par de gais lurons montés comme des ânes, dégotté une esclave de secours, on se la joue Thelma et Louis, on fonce vers le bout ? Ou plutôt Thelma seule, Louis sautant à temps de la bagnole sado-maso sur le bas-côté, allant grâce à son Loulou vers le néant tant convoité, comme si la mort était un don ultime (opinion partagée par certains tant soumises que maîtres).
Oui, je sais, on est dans la symbolique. Mais je n'ai jamais rien compris à la symbolique. Même dans mes fantasmes, le bout, c'est la jouissance (qui est fille de Thanatos autant que d'Éros, je sais, j'ai lu mes classiques).

Tous comptes faits, pragmatiquement, il n'y a qu'un bout qui m'aille, celui qui est arrimé à mon homme du moment et qui, s'agitant dans une main, une bouche, un slip ou un orifice, dans une fuite de semence qui jamais ne servira à la procréation fonce vers son plaisir, et le mien par adjacence. Petite mort (dit-on, voir plus haut) si vivante. Et si je veux mourir un jour, devançant la Faucheuse, je ne ferais pas appel à un partenaire pour me suicider à ma place. La pulsion de mort, il vaut mieux gérer cela seul, et ne pas attiser les côtés sombres des sados qui souvent pourtant savent si bien nous faire jouir.
Mourir ensemble, pour ne pas survivre à l'autre trop aimé, comme le couple Mercure, c'est ce qu'il y a de plus beau. Jouer à se faire tuer par son dominateur, c'est limite glauque. Mon opinion pas si humble évidemment.

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