Rue Bricabrac, bdsm, piment, rouge
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C'EST sans doute à cause de ces possibles morts que dans le bdsm, on ne parle pas tellement de félins pour leur préférer, dans le vernaculaire, les canins (confer Maître Stéphane en 1966 dans une fête privée "A poil chienne, suce-moi"). Sinon, tout le microcosme sado-maso serait déjà moribond. Le monde du bdsm est curieux, non pas au sens d'étrange ou de bizarre, mais de fouineur, avide de sensations nouvelles, souvent puisant plus son aspiration dans les pages sports (je vais te faire dépasser tes limites) que dans celle des maux croisés (conjuguons ensemble des plaisirs piquants).

Ainsi telle soumise avouera dans un récit que tous les maîtres étaient jaloux du sien lorsqu'il lui a administré 400 coups de badine dans un célèbre club de la capitale hexagonale, tandis que telle autre se rajoutera quelques anneaux à une bijouterie intime déjà très bling-bling, voire un petit branding de plus, pour la route. Ces sujets ayant sûrement déjà été traités ici, je me contenterai de parler des usages détournés de la pharmacopée et de l'épicerie.

Je lis sur un forum des échanges entre deux soumises masochistes et néanmoins amies, relatant leur rencontre du 3e type avec de la confiture de piments (kézako ? je connais le gel de piment d'Espelette, en vente libre et pas gratuite) et celle de gingembre (alors là encore, je ne possède que de la purée, qui se trouve à côté du wasabi en tubes, dans les épiceries japonaises). À son grand dam, miss Piment ne trouvant pas le résultat concluant a réclamé la deuxième couche. Résultat, elle a eu le feu au clito et a dû utiliser de quoi sauver l'Afrique de la sécheresse pour ne même pas calmer la brûlure insoutenable.

Moi-même, pour pondre ces lignes ironiques, je ne m'excepte pas et je suis pareillement tombée dans le panneau, et j'y retomberai sûrement. À la suite d'un article sur le figging (pratique dont j'ai quelque mal à croire qu'elle est née chez les brittons, pour empêcher les élèves cannés de serrer les fesses pendant le châtiment par l'intromission d'une racine de gingembre fraîchement épluchée dans leur anus), j'y suis allée de ma curiosité, et pour faire bonne mesure, les échanges préliminaires avec mon partenaire montant en régime, en plus du gingembre in ze baba, un petit coup de baume du Tigre sur le bouton (ma chère Dahlia ayant écrit chez elle que c'était une torture délicieuse, je l'ai crue bien volontiers).
Résultat des courses, une femme qui se sent un peu ridicule, essayant de dissocier les sensations, d'érotiser le truc, pour finir par se dandiner dans ses liens, entraînant la chaise à laquelle elle était attachée.

À ces évocations piquantes, il y en a qui seraient tenté par une chatte fourrée d'orties ou qui se bricolent déjà un soutien-gorge à punaises (autant ressortir le silice de tante Adèle...). J'inspecte mon réfrigérateur et le placard à provisions. Il y a des la moutarde de Dijon, de la hot sauce chinoise, du raifort, de la harissa, de la purée de piments verts, des pâtes de curry rouge... Côté salle de bain, une crème de massage post-claquage à base de capsicum anuum (j'y ai laissé la peau d'une cuisse en plus de l'adducteur, un jour), de la cannelle en huile essentielle... Trop chaud ! D'autres idées dans la salle ? "Mon corps n'est pas un temple, mais un parc d'attraction" comme disaient les post-féministes. Est-ce vraiment une raison pour en faire une paillasse ?

Le bdsm est-il un lieu où la surenchère est inévitable, où la quantité remplace ou s'adjoint à la qualité, où l'expérimentation se substitue parfois aux sentiments, où la recherche du plaisir joue les Géo Trouvetout, où l'on se blase plus vite que l'on se satisfait, où la société est, à l'image de son nouveau président, de consommation et de compétition.
Et chez vous ?