Vertuelle lundi 2 avril 2007
IL a glissé ses doigts sous le bandeau, repris deux mèches de cheveux ici, trois autres là, avec délicatesse et précaution.
"Dites-moi si je vous tire les cheveux."
Il a ébouriffé la frange.
"J'ai l'impression de jouer à la poupée".
Et il aimait cela. Justement, c'est ce que voulais. Ce que j'étais. Vraiment. Celle qu'on habille de chaînes et de cordes. Et plus encore. Être modèle, ça voulait dire être modelée, être à modeler. Être glaise, sa glaise, sa bonne pâte. Prendre la pose comme on fait une pause, en arrêtant le temps.
Il a commencé par des photos simples, chastes, pour la novice que j'étais. Une chaîne de marine très lourde à tenir devant les yeux. Je ne m'attendais pas à la brûlure des biceps. Il fallait que mon regard soit dur, je n'ai pas eu de mal.
Au début je n'ai pas senti le froid ambiant. Sauf mes seins qui étaient glacés lorsque je les effleurais. Il paraît pourtant que j'ai réchauffé les chaînes.
Plus tard, quand d'une main, il accentuait une cambrure, étirait la colonne, me déplaçait ici ou là, s'excusait de toucher un mamelon, je profitais de cette chaleur.
Se laisser aller.
Seulement, je ne suis pas fetish model (au contraire de cette belle fleur), pas plus qu'il n'est un pro de ces photos (au hasard). C'est la galaxie bdsm qui nous a rassemblés, nos désirs et nos sexes complémentaires, une grande amie commune, un sens de l'humour qui n'a pas peur du mauvais goût et une longue correspondance. On se promenait sur la même marge, faut croire.
Lâcher prise. Ce que je cherche dans d'autres circonstances aussi.
Je l'ai fait dans la contrainte. Dans un autre plaisir. Je ne suis pas de ces femmes dont on fait les tables ou les tabourets. Je bouge tout le temps. Je parle encore plus... Pourtant, gageure, j'ai stoppé le sablier, respiré sans le moindre mouvement, parfois au bord de l'apnée, tendu la pose jusqu'à la courbature.
Il n'y a pas eu d'impudeur ou de sentiment d'icelle. L'impudeur, s'il faut en parler ainsi, avait été toute dévoilée, disséquée, dans les longs échanges épistolaires. Bataille disait quelque chose comme ça, il est plus violentant d'être lue que vue, et parlée que lue. Ces courriels depuis des semaines, et déjà il y a quelques années pour nous trouver un univers, un lieu commun, mais pas banal.
Dis-moi ce que tu as dans le ventre !
Accouche-moi, toi !
Je cherchais la clé et la serrure, il pense que c'est une main dont j'ai besoin.Donne moi un coup de main ?
Je n'ai pas osé lui dire
"Si vous voulez des "vraies" marques, vous pouvez m'en faire."
Il a failli me dire
"Ne me tentez pas"
Chacun a pris soin de respecter une frontière invisible. Ou de marcher sur un même fil, funambules. Avec la conscience de la totale ambiguïté de tout ce qui se passait. Nous nous sommes donnés beaucoup, je crois. (D'ailleurs, jamais même dans la décentralo, on a vu Pygmalion chevaucher Galatée.)
Parlant de mains, en voyant dépasser de mes manches des poignets, un peu rougis et râpés, presque meurtris et marqués, mes amis m'ont demandé : mais qu'as tu fait de ton week-end ?
"Du jardinage, un pierris à fleurs roses à déraciner et replanter, un conifère urticant et vengeur..."
Le pire, c'est que je n'ai pas menti. J'ai juste oublié de parler du principal.
Tags du billet : chaînes , marques , photo
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Par Bricabrac / Publié dans # Tout à l'ego
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