Rue Bricabrac, bdsm, Japon, érotisme

Les weekends pluvieux prennent des couleurs plus accortes quand, sous la couette, on feuillette un gros beau bon livre. Comme celui d'Agnès Giard, L'imaginaire érotique au Japon (chez Albin Michel). Spécialiste autant du sexe zarbi (elle a déjà pas mal écrit sur les fétichismes, et hors la presse main stream, on peut la retrouver sur le site magazine de Dèmonia) que familière du Japon, elle allie les deux. Comme elle est bdsm friendly, et que le Japon ne néglige pas cet aspect de la sexualité, bukkake, shibari et autres pratiques dominatrices ont leur belle part. Certaines plus obscures que les précitées.

"J'ai rêvé plus d'une fois de dépouiller ton visage de sa peau pour te la faire goûter en même temps que mon amertume." (Kobo Abe)

Richement illustré (plus ou moins 25 artistes ont laissé leur empreinte) comme on dit quand on parle d'un livre qui est autant d'images que de mots (et ici, ils ne manquent pas, chaque chapitre comporte en noir et parfois blanc sur rouge, à la la limite de la lisibilité, un glossaire japonais ce qui permettra au touriste, même s'il est incapable de commander un tempura ou de trouver sa rue, de décliner toutes les pratiques sexuelles dans un nippon de qualité, il y a même un précis de prononciation), ce livre appelle le regard sur le texte. On aura beau le feuilleter pour se faire une idée par images interposées, les mots s'imposent vite. Tout est si intrigant, même quand cela touche à des frontières que l'ont croit avoir déjà franchies. Si des images des films d'Ishii, ou des photos d'Atsushi Sakai, des ligotages chaînés de Miyabi Kyudu se rappellent à nos bons souvenirs, le discours que tient l'auteure, qui creuse patiemment et passionnément le pourquoi du comment, est indispensable. Comme la dame a de l'humour, on est loin, très très loin, des cuistreries pontifiantes, et ça se lit comme on voyage dans un pays mi-familier, mi-étranger, en s'extasiant,en frémissant, en poussant des oh, des aaaah, des ha bon, et hé bé.

Et à travers ce parcours qui va des culottes de nymphettes sailor moon aux poupées prostituées, des chiennes très loin des nôtres et des viols simulés, des zentaïs aux travelos, des fantômes aux tabous, du pastel à l'obscur, je me suis laissée aller au tourbillon, attrapant d'une main un lambeau de honte, caressant l'idée de la flétrissure, touchant la fesse d'une sumo sexy...

"Les talons en l'air, les orteils crispés." (Ihara Saikaku)

Le sexe, l'esthétique et la culture sont indissociables, ça ne fait pas mal, chacun éclaire l'autre, sans oublier le bouddhisme et le shintoïsme. Le livre refermé, outre la couche d'érudition tout fraîche qui repeint les neurones au couleurs du drapeau japonais, en rouge sang et blanc culotte petit bateau, avec une pointe de rose pour les fleurs de cerisers et d'ivoire pour le sperme, une floppée de fantaisies sexuelles titille et donne envie de d'acheter des culottes en papier ou une kokeshi (quand je pense que je me demandais pourquoi, depuis quatre mois, je suis attirée par ces poupées de bois).
Oui, fatalement, j'ai aussi vu ce livre par le petit bout de ma lorgnette, plus touchée (à la peau et au cerveau) par les nawashis que les lolitas gothiques. Mais il mérite bien mieux et plus que cela.

Le titre est un jeu du mot, pêche et fesses, pour des raisons roses et charnues qui sautent aux yeux, portent le même nom : momo.

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