Les chiennes donc...
Pourquoi chiennes ? Je n'ai pas le souvenir, quand j'ai débarqué dans le sm, d'avoir rencontré ce terme ou ces comportements. Etait-ce dû aux hommes qui m'ont accompagnée dans cet univers, au fait que je n'ai jamais participé à quelque société microcosmique en rapport avec mes inclinaisons, qu'à l'époque, la référence était "O", que je n'ai jamais été soumise mais maso à soumettre ... ?

Rue Bricabrac, bdsm, chienne, Wegman
Photo William Wegman

Il y a des années, à la suite d'une rupture, j'avais enfourché le minitel et d'un clavier fébrile je contactais tous azimuts. Je rencontrais beaucoup, comme on fait passer des auditions. Jusqu'à la lassitude. Parfois, un seul café suffisait à prendre une décision (dans un sens comme dans l'autre). C'est ainsi qu'un soir, je me suis retrouvée face à un type plutôt charmant et spirituel jusqu'à ce qu'il m'ordonne de me mettre à quatre pattes et de faire le chien (dos rond assorti d'un ouah sonore) et le chat (dos cambré et miaou feulant). Le mouvement, je connaissais bien, c'est le basic de l'assouplissement du dos, on ne fait pas mieux après une journée devant son ordi ou une après-midi de shopping intensif. Les ouah et les miaou, c'était ma foi assez ridicule. À mes yeux. Ensuite, heureusement qu'il a sorti sa main et qu'il s'est occupé de mes fesses, ce qui m'a remise en train. Si je puis dire.

M'étirer comme le fait mon chat lorsque je rentre et qu'il se réveille pour venir quêter câlins et croquettes, les yeux plissés de sommeil et de volupté, les épaules à terre et le cul en l'air, avec ce mélange de souplesse et de tension, mille fois oui. Tendre ainsi la croupe le plus haut possible pour implorer les claques, pour présenter à l'homme mon sexe de la plus obscène manière, pour lui dire que je suis à lui, pas de problème.
Agiter le derrière en pissant trois gouttes de plaisir exprimé et me promener en laisse à m'en démettre les ménisques ne me fait rien retrouver de mon animalité. Si c'est de cela qu'il s'agit (le numéro de juin de la revue Philosophie, avec une photo de William Wegman en couverture en parlait très bien, de l'animalité). Parce qu'en fait, je n'en sais rien. Les chiennes sont une terra incognita. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'animalité.

Le chien, donc la chienne, est un animal reconnu pour sa fidélité, son besoin de maître, d'être dressé. Une fois cela fait, il devient le meilleur ami de l'homme (ou est-ce le cheval donc la pony girl ?). Le ou la propriétaire d'une chienne est donc investi de ce pouvoir d'éducation. Tout bénèf. Il aboie ses ordres, elle jappe en reconnaissance, on retourne au néanderthal, c'est excitant. Une régression un peu plus appuyée, dans le fond, que ceux qui jouent à grand homme et petite fille.
Finalement, ce n'est qu'en faisant de la femme une chienne qu'on peut se sentir son maître. Le reste du temps, on est homme et femme. Une hypothèse, tiens !
(Je sais, c'est un jeu, et c'est de ce jeu que j'essaie de parler, pour comprendre.)

Dans le petit monde des saigneurs, on remarquera que si la première concubine est l'esclave, la deuxième concubine sera la chienne, un cran en dessous, dépourvue de son humanité, juste bonne à lécher les pieds et dormir par terre.
La chienne (plus que la vache ou l'ornithorynque ?) a des chaleurs, et ce ne doit pas être pour rien dans le choix de cet animal.

D'ailleurs, j'ai longtemps cru à un glissement de sens. Au début était la salope, celle à qui l'on dit "tu aimes ça, ma bite dans ton fion, hein grosse cochonne ?" et qui a intérêt à répondre le rouge au front, aux joues et aux hémorroïdes "oui" mezzo voce, pour que l'autre bourrin en rajoute dans le coup de rein "plus fort, salope !". De salope, on passe à l'anglais bitch (le microcosme est depuis longtemps beaucoup mieux structuré, organisé, labellisé là-bas), et comme bitch est polysémique, voilà comment après un aller-retour transatlantique, la salope est revenue en chienne. Comme dans un tour de prestidigitation.

(À suivre)

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