Trous de mémoire(s) vendredi 22 septembre 2006
Hier, c'était la journée consacrée à la maladie d'Alzheimer, pour qu'on pense 24 heures à ceux qui oublient. Alors, avant-hier, je me suis blogué un petit pense pas bête musical, et aujourd'hui, je reviens sur de drôles d'habitudes blogueuses, façon trou de mémoire.
Soit deux mémètres et une soumise. Qui n'ont pas de lien particulier entre eux, je ne sais pas s'ils se connaissent (la suite prouvera qu'ils auraient peut-être intérêt à faire affaires entre eux, leur rapport aux traces étant très complémentaire). Pour préserver leur anonymat, les noms des protagonistes ont été changés. Je n'ai que trois exemples, ne fréquentant pas assez la blogobulle pour lister de manière exhaustive les comportements des uns et des autres, mais je pense que ces trois-là sont représentatifs.
Les deux hommes, Angedevin et ManantNoir, pratiquent une forme de révisionnisme,
pas celle du passé table rase pour mieux construire mais celle bien
stalinienne des déchus effacés de la photo. Ils sont amoureux,
ou accouplés en tous cas, et se disant amoureux. Leurs blogues deviennent
le temps de la liaison une carte du torride et du mordant, tout entier dédié à leur
soumise (c'est à dire à eux, elle n'est qu'on objet transitionnel).
Laquelle est évidemment ce qui se fait de mieux, de plus beau, de plus
chien, de plus souple. Et puis comme les histoires d'amour finissent mal en
général, un jour vient la rupture. Parfois, l'un ou l'autre vient
encore nourrir son espace de ses larmes et regrets, d'appels à Pomponette
pour qu'elle revienne. Et puis le deuil fait, disparaît soudain du blogue
toute trace de l'ancienne aimée et malmenée. Comme si elle n'avait
jamais existé. Elle a fait pschitt, comme dirait notre président
plébiscité.
De la même manière qu'on déchire des lettres et des photos
devant sa cheminée ou son cendrier, entre une boîte de kleenex,
un tube de Lexomil, une serpillière et une bouteille d'alcool fort (le
tout ou en partie, ou juste la colère, la rage, la haine), ce qui reste
du domaine privé, les bits sont éradiqués, ça va
plus vite à virer qu'à édifier. Le visiteur se pointe
un soir ou un matin pour trouver toile blanche.
La bloguerie reprendra, au même endroit ou ailleurs (l'avantage des skyblogs
et assimilés, c'est qu'on en ouvre aussi facilement que si c'était
une boîte de sardines, deux doigts et un mouvement de poignet suffisent,
plus simple qu'une branlette), lorsqu'il y aura de nouveau une femme dans le
paysage.
Ce qui laisse penser que certains aimeraient effacer de leur mémoire
comme ils gomment d'un clic de souris les traces exhibées de leur passé arrogant
et la honte de ne plus être "à la hauteur". Je te raye,
non pas de ma mémoire, mais de l'exposition. Nous n'existe plus, je
est de retour. Et je, c'est peu. Comme quoi, l'adage à raison, sans
soumise, le mémètre n'existe pas. Quand elle a servi et n'assure
plus le SAV, aux oubli...ettes ! Le roi est nu et flacide, et il n'aime se
montrer qu'en cuir, la flamberge au vent.
Neptuuna, elle, est une soumise. A la manière de la mer dont elle porte
le nom du dieu, elle est surtout soumise à des flux et reflux. Vagabonde
menstruelle, elle cherche son maître comme le marteau. Elle s'en rend
marteau d'ailleurs. Parfois elle en trouve un. Elle lui dédie poèmes,
séances de webcams, textes mal ponctués et rêves mouillés.
Tout ce qui est liquide en elle s'enflamme. C'est lui, le bon, le majuscule,
le capital, le cardinal. Le lecteur met parfois du temps à comprendre
que le monsieur en question n'est parfois qu'une ombre nyctalope qui hulule
sur la toile, quand les enfants et leur mère dorment, ou qui noie sa
solitude et son Weltschmerz sur la messagerie instantanée de la première
poire qui passe. Neptuuna retombera vite d'aussi haut qu'elle est montée,
pauvre soufflé que les gifles morales qu'elle reçoit font peine à lire
(sincèrement). Et puis quinze jours plus tard (ou 2 mois, ou 3 heures), à se
demander s'il n'y a pas eu de copié/collé dans le processus,
la dame a rencontré le seul, le vrai, l'intégral, le définitif.
Da capo.
Et depuis des années, je ne peux que l'imaginer tristement comme un
hamster dans sa roue, parcourant le même chemin, mais heureusement dotée
d'une mémoire de poisson rouge, ce qui lui fait dire à chaque
tour "oh, chic, une mangeoire !". Et au contraire des deux lascars
ci-dessus, elle n'efface rien, garde tout, compilation d'échecs compulsifs,
répétition sisyphienne et douloureuse de l'échec comme
une fin en soi, comme l'ultime meurtrissure.
Moi aussi, j'ai jeté des cadeaux, cessé de fréquenter des restaurants, évité certains lieux, noyé des petits mots. Je suis seule à le savoir. Depuis que je narcissise à électrons ouverts, sans accorder plus de valeur à ce blog qu'il n'en mérite, ni moins non plus, je n'ai pas changé une virgule (éventuellement rajouté une espace avec certaines), un iota. Je ne sais pas où va ma vie, ma relation, ma plume et ce petit caillou dans le village global. Un jour, comme une épave, il dérivera peut-être tout seul, abandonné. Parce que ça prend du temps, de l'énergie, de l'imagination, des émotions. Mais jamais parce que je renierai quoi que ce soit de mes actes, pensées, rêves.
Tags du billet : blogosphère , maîtraillon , mémoire
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Par Bricabrac / Publié dans # Humeur
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