Embobinée
Prends ton temps. Le mien t'appartient déjà. Suspends-le, étire-le,
dilate-le. Fais-lui ce que tu aimes me faire. Installons-nous dans la durée.
Mieux, abolis-le, tue-le, oublie-le, ce temps qui mange notre plaisir.
Il y a tant de mètres de chanvre qui t'attendent, et des bougies tendres à longues
mèches.
Mes jambes disparaissent, mes bras aussi, tout comme ma bouche et mes yeux. L'entourage a pris le dessus, je suis dessous, comme une bobèche. Il ne reste visible de moi que les parties les plus redondantes, quatre balles de chair qui bondissent sous le corset des cordes.
Je suis comme dans un cocon prison. C'est réconfortant de ne pouvoir marcher, parler, voir, toucher. Je suis vulnérable et insouciante. Ce qui était le but.
Comme une cible au centre de la pièce, voguant en toupie au gré des
mouvements de la corde qui me tient en équilibre, je reçois pareillement
désarmée caresses ou claques.
Commence doucement s'il te plaît, échauffe-moi progressivement,
surprends-moi d'une mèche sèche, imagine ma peau comme un nuancier
dont il faut respecter les degrés, ma chair comme une pâte qui
faut travailler en profondeur. Mesure au fur, à la brûlure extérieure
sous ta paume, l'endolorissement des muscles.
Je t'en supplie, aide-moi à dépasser l'agacement des premiers coups, emporte-moi dans ton rêve de dom et laisse-toi enlever par les sensations paradoxales, fais-toi du bien en me faisant du mal, fais-moi bien mal, fais-moi ce mal qui fait du bien, qui nous fait du bien, allons vers un épuisement mutuel, un étourdissement commun, jusqu'à ce qu'enfin apaisés, nos corps collés par des liqueurs d'humeur, nos oreilles résonnent encore longtemps de gémissement et de sifflements.
Mais pour le moment, il faut oublier montre et fatigue, et m'enserrer dans
cette grosse ficelle pas encore assez douce. J'en ai déjà le
tournis.
Emballe-toi.
Embobine-moi.
Emballe-moi.
vendredi 1 septembre 2006 / 2 grains de sel