Sur le bout de langue, et celui de la hanche aussi, j'ai envie de revenir sur ce qui a été dit et échangé ici ces jours derniers. L'appartenance, éternel sujet, fatalement enrobée par mon essème à moi que j'aime et qui n'est pas pour autant un paradigme.

Il était question d'appartenir corzéamme. Si le cliché m'ennuie, parce que je préfère qu'on invente des images, comme des jeux aussi, j'ai évidemment cette envie d'appartenance. Offrir son corps pour qu'on le martyrise, pour qu'on y fasse naître cette douleur mystique ou mythique, c'est un don. Ou alors, c'est que l'on considère l'homme comme un bras armé (variante bdsm du gode à pattes). J'ai envie de faire cadeau de cette douleur à celui qui saura l'extorquer. Je n'ai donc pas envie qu'on me fasse mal, mais que tu me fasses mal, et que tu le fasses bien, avec soin, sensualité, méticulosité, munificence. Et cela ne peut se faire que si je me donne (ou me prête).

Rue Bricabrac, bdsm, appartenance, confiance
photo Jennifer Hawke

Je veux pouvoir te confier mon corps, ma peau, mes sens, pour que tu les prives ou les stimules. Je veux être ton parc d'attraction, ton orchestre, ta page blanche, une extension de toi. Un temps. Suspendu. Dont tu es le maestro et le métronome.

Je sais bien que je n'appartiendrai jamais à personne, et qu'aucun homme (sauf en rêve) ne saurait être propriétaire d'un autre être, mais j'ai envie tout de même que tu (je dis tu comme on dit on, ce pourrait être générique, tu étant celui qui à qui j'ai confié le gouvernail d'un moi vaisseau ou barcasse, tu c'est celui qui a le droit et la dextre, tu c'est celui qui m'accompagne et que j'escorte en ce moment, depuis un moment...) écrives notre histoire cinglée à même ma chair, avec la tienne. Je n'ai pas envie de l'alliance des épouses pas plus que du fer rouge des esclaves. Je peux (veux ?) vivre et jouir sans. Pourtant, j'aime l'idée d'un signe, un rappel, des traces de dents sur le bras ou une chaîne à la cheville. Je ne suis pas à un paradoxe près.

Rue Bricabrac, bdsm, appartenance, confiance
photo Jennifer Hawke

Appartenir, c'est arriver à faire suffisamment confiance à l'autre pour lui donner les clés. (Sachant qu'il n'y a pas de clés, juste une façon de faire et d'être pour que j'éclose, que je m'ouvre, sans restrictions.) Une heure ou un an. Un mois ou une vie. On ne saura si c'était une heure ou une vie qu'au bout de l'une ou l'autre évidemment. Une heure peut-être longue comme une vie parfois. C'est pour cela que j'aime offrir et m'entourer de sabliers, de clepsydres, de machines étranges à compter le temps.
Appartenir, c'est tout donner, ses larmes et sa jouissance, sa bouche et sa vérité. C'est s'oublier, se perdre, se diluer, fusionner et se retrouver, intacte et lacérée.
Appartenir, c'est un savant déséquilibre entre soi et moi, entre aime et lui, entre peur et confiance.

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