Pour certains, les grands frissons pécuniers sont les jeux à gratter, les cases à cocher, les petites boules dans la grosse et la voix de Sophie Favier. Ou les tapis verts avec une seule billes et deux couleurs, impair et passe, l'impasse et part. Ou dans les salles d'à côté, plus populaires et bruyants de roulements et de piécettes, les bandits manchots.
Dans mon cas, c'est le mulot qui clique, la visa qui claque et ça devient une addiction. Ce matin, le PDA a sonné à 9h45, il fallait que j'enchérisse avant 9h52.

J'achète peu sur eBay. J'y suis retournée il y a quelques mois, sur la suggestion d'un camarade de tchatte, pour décrocher une belle rouge. Je n'avais jamais pensé que l'endroit pouvait être une source festive à nouveaux jouets (comme quoi, j'y passe vraiment peu, les boutiques fetish et bdsm y sont légions). Et puis, cadeau de Noël à dominamant oblige, j'ai craqué pour une cravache qui ressemble à un chausse-pieds. La première cravache, à vrai dire, m'était passée sous le nez, pour une poignée de pennies, j'avais été négligente, comptant sur les enchères automatiques pour remporter le pompon. Heureusement, le vendeur, un charmant britton, en avait une autre.

La belle rouge ne pique que par la couleur. De ses cent longues lanières, elle assourdit, assomme, réchauffe, mais ne brûle ni ne blesse. Les coups, si lourds, résonnent dans tous le corps, le parcourent d'ondes régulières, le plongent dans une douce euphorie. La cravache chausse-pieds sonne clair, la boucle de cuir est fine et large, le cul danse, et tout le corps suit dans un merengué un peu vain.

Ce matin, donc, 9h45, pas question de me rendormir (et pourtant...) Heureusement, bonne élève, le portable a veillé au pied du lit, il suffisait de rafraîchir la page laissée bien en évidence sur le navigateur pour voir où en étaient les enchères, qui avaient encore monté pendant la nuit. Puis attendre patiemment 9h50 pour lancer un prix, avec assez de marge pour être tranquille, des fois que la connexion soit lente. Elle ne l'a pas été assez pour qu'un autre, embusqué comme moi, pointant comme moi ses dollars à la dernière heure, ne renchérisse aussi sec. Dents serrées, doigts crispés, dans le même état d'esprit que dans un bassin ou sur une piste, au moment de "manger" l'adversaire, je tape rageusement deux chiffres. Et clic, prends cette mandale dans les gencives.
Un petit coup d'adrénaline, voilà une semaine que je l'ai repéré, ce chat à douze queues, du beau cuir travaillé aux antipodes, dans la vieille Zélande...
Il reste 14 secondes avant la fin de la vente, aurais-je encore le temps de...
C'est fini.
L'objet est à moi.
(Petit trémoussement de hanches victorieux et un rien arrogant, assorti de quelques cris étouffés mais clairement triomphants.)

Rue Bricabrac, chat à 12 queues

Et celui-là, il risque de faire mal quand il sera dans tes mains, toutes les lanières, pour être pareillement tressées, ne sont pas d'identique longueur. C'est un fouet que l'on reçoit debout, attachée au trapèze, un baillon à mordre... J'en rêve déjà.
D'ici là, je vais aller jeter un coup d'oeil sur les objets dont la vente se termine dans les minutes qui viennent, qui sait quelles merveilles s'y cachent...

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