Après ces jours le nez dans la dentelle et la mousseline, et ces nuits le corps entre cuir et chanvre, à l'aube d'une fin de semaine neigeuse et frileuse, le temps est venu de l'aveu. Je suis fétichiste. Non point des premières, même si j'aime de toute éternité les froufrous ouvragés du côté de Calais, pas plus des seconds, quand bien même la seule odeur du cannabis encordé m'enivre autant qu'un cuir neuf. Mon tissu préféré se doit d'être raide et rêche. Enfant, ma fixette, c'était le drap des habits, tel que décrit dans les livres - anodins - que je lisais - avidement - en traquant un sous-texte connu de moi seule. Ai-je jamais croisé de ma peau trop sensible un tel drap, celui qui raconte les marchands, les bateaux, les conquêtes ? Celui dont j'imagine les caftans, les jaquettes, les bâches... Puis vint le tweed, encore un mot dénoté, qui sonnait comme l'Albion et son éducation.

Dans la vraie vie, c'est le jean qui me chavire. Dans la semaine, tu en es privé, et moi aussi, fatalement, tu travailles sous un sévère dress code. Mais le ouiquende venu, tu retrouves la liberté de t'habiller comme il te plaît, comme il m'excite. Si on me demande, tout à trac, de faire la liste de mes fétiches (ou de mes pratiques, ou de mes goûts), je me retrouve aussi peu pourvue que la cigale de la fable. Ma faconde est réduite à zéro. Ma bouche fait un O. J'aime tout, j'aime rien, cela dépend avec qui, et à quel moment, refrain célèbre.

Pourtant, tu as vite remarqué comme j'aimais non seulement me frotter à toi, con contre cuisse, quand tu portais ton vieux jean usé maison mais encore te caresser, à travers cette toile épaisse, bien plus que sous tes costards uniformes.
Ça pourrait marcher aussi avec les costumes, certainement, mais le jean, quand bien même il n'a plus de trame, ni de chaîne, jetées aux orties au fil du temps, délavé jusqu'à oublier le bleu, tient de la pierre ponce. Il a la sensualité rustre de sa rugosité, comme une main calleuse, comme une voix de fumeur. Il résiste à la caresse, il cache bien la chair (même si troué par l'usure, il laisse passer un doigt, ou deux, qui découvrent des parties très privées). Il décuple mes envies.
Alors j'appuie ma main, et l'autre, je pétris, à l'aveugle, je malaxe couilles et queue, sans ménagements, sans discernement, le tissu s'occupe de jouer les pare-chocs, j'y mets la bouche et les dents, je me fais ogresse, truffière, j'ose ce que je ne ferai jamais si tu étais nu.
On dirait que tu aimes ça. Au moins autant que moi.

Rue Bricabrac, fetish, denim, Catherine Jamieson

Photo Catherine Jamieson
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