Rue Bricabrac, voile, photo

photo Kulhanak

Le sujet qui fâche, à propos du voile, le voilà. Impossible de ne pas s'étendre, par analogie au moins, sur ce voile qu'on a voulu appeler foulard comme si le tchador avait quelque rapport - même cousin à la mode de Bretagne - avec le carré Hermès ou les coiffes des martiniquaises. Ce tchador, un peu étoffé, devient burqa. En cuir, ou en latex, c'est une cagoule. Dans les deux cas, j'entends la même chose. Et je n'aime pas du tout ce que ça me raconte.

Rue Bricabrac, voile, Belphegor

Les voiles, si affriolants, ne sont plus des dentelles, ni des mousselines (mousselines de soie, mes madeleines, déjà enfant, je m'enveloppais dans celles de ma mère, qui en avait de toutes couleurs, si légères, si gigantesques pour moi qui étais si petite, fragancée en Femme de Rochas, capiteuses autant qu'aériennes, matières à tous les costumes du monde, cheik ou Shéhérazade selon l'humeur...).
Ceux dont il est question aujourd'hui sont de lourds suaires, du drap plombé au tombé sans détours. De celui qui faisait une carapace effrayante à Belphégor, momie fantôme du Louvre, néfaste créature remontée des enfers qui aurait troqué ses bandelettes pour cet épouvantable rideau.

Rue Bricabrac, voile, burqa

photo Chrisuk

Je l'ai dit, je me garderai bien de faire rimer dominant avec taliban. Simplement, dans la pratique, dans ce besoin de cacher les yeux ou la tête de la femme, je ne peux lire que la même négation. L. m'a envoyé un jour des photos de sa femme en larmes, en précisant à quel point il la trouvait belle ainsi, en ajoutant des mots très durs pour ceux qui bandaient les yeux de leur soumise pour ne pas avoir à voir ces larmes. À mon avis, il n'y a pas que les larmes qu'ils ne veulent pas regarder. Peut-être n'ont-ils pas envie de savoir leur jouissance. Ou plus sûrement, ils ne veulent pas qu'elles puissent être les témoins de leur jouissance à eux, de leurs peurs et paniques devant cet ouragan de sentiments contrastés que font naître les jeux sm. Dans les temps passés, les bourreaux étaient ceux qui portaient la cagoule. Dans nos jeux, c'est l'inverse. Le bourreau, sado ou dominamant, est connu de sa suppliciée volontaire, il n'a plus à se cacher. En revanche, il peut avoir envie de diminuer celle qui pourrait lire en lui.
Et plus loin, à la nier. Je te cache, je te recouvre, tu n'existes plus... tout à fait. Je te dépossède de ton identité. Je te la vole d'un voile devenu éteignoir. Le bandeau, synecdoque du voile, permet de laisser la bouche libre, puisque la femme n'est plus qu'un trio de trous, une entité toujours féminine mais possiblement interchangeable.
Sous un voile opaque, je suis une, je ne suis plus là. Je ne suis pas non plus tout à fait là.

Rue Bricabrac, voile, tchador

photo Chrisuk

Je pense aussi à celles qui ont un "nom de soumise". Chiennetruc, Biduleslut, ou un joli prénom, Lolalou, ou un surnom chantant, Sinueuse... Il peut servir à bien marquer la frontière entre la vie sociale et la vie sexuelle, nous savons combien il est parfois dangereux d'abolir cette ligne blanche. Je n'arrive pourtant pas à m'ôter de la tête qu'en me renommant, on me gomme. Mon vrai moi, il est pareillement présent quand je suis à tes genoux que quand je suis en réunion de travail. Ma posture, mon état d'esprit... ne sont pas les mêmes. Une identité n'est pas un jeu de Lego, on ne s'amuse pas à taper du pied dedans sous prétexte de mieux la reconstruire, à sa main. Le cas échéant, on se modèle, avec le temps, au contact l'un de l'autre, comme des galets. La femme n'est pas de l'argile dont on croit faire les golems, on ne la crée pas par l'occupation, par l'oppression. Et ce n'est pas en l'étouffant dans un cocon qu'on lui fera croire qu'elle est chrysalide. Assez de mensonges !

Et puis j'ai toujours, si je ne veux pas, plus voir, le loisir de fermer les yeux. Et j'aime quand tu exiges que je les ouvre, que je t'observe te branler et jouir sur moi (s'il y a un jeu qui consiste à caser "éjac faciale" dans un texte, je pense qu'ici, il est bien placé), que je me calcule telle que tes mains m'ont façonnée, bondée, dilatée.

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