Les trios, je n'en connais pas. Ou de loin, par ouï dire, par lu vu. Je lis, j'entends ici et là que certains vivent un quasi-nirvana, et que tout ça est tellement plus fort à trois qu'à deux. L'homme est le plus heureux de tous, et la complicité entre les deux femmes est magique. Certaines s'appellent même soeurs. Deux soeurs qui couchent ensemble et avec le même homme, oncle Sigmund, parle-moi du symbolique.

Mon enthousiasme est malheureusement un peu tempéré, parce que le seul trio constitué que j'ai connu, un couple à quoi s'était rajoutée une collègue de bureau de madame, accessoirisée d'un minot qui avait des difficultés d'expression, ne vivait que par le discours tonitruant de l'homme, auto décrété lesbien en chef et ravi d'avoir initié cette combinaison idyllique et parfaite, où il trônait comme un coq en pâte. Peu d'années plus tard, l'épouse légitime quittait le nid, et se jetait, d'un pont, dans la Seine. Les larmes épongées, la première concubine est passée au rang d'épouse et aucune tierce personne n'a rejoint le couple. Ce qui n'a pas valeur d'exemple, juste d'anecdote. Et depuis, chez moi, ça fait filtre. Un homme et deux femmes, je vois le corps noyé gonflé cyanosé de S.
Les trios dans le monde bdsm sont légions, quasi tradition (c'est quelle page dans O déjà ?). Furieuse de petites annonces, j'écume, comme on va visiter un supermarché dès qu'on arrive dans un pays étranger, la socio au ras du trottoir, les p.a. sur les sites de chat et de rencontres BDSM (je retrouve d'ailleurs les mêmes partout, certains fainéants, non, je ne donnerai pas de nom, passant d'un site à l'autre en y allant du bon copier/coller des familles). J'y vois des couples frais émoulus, le ciment pas sec, qui viennent à peine de se trouver et pas encore de se découvrir, en chercher une troisième, quête urgente souvent ainsi explicitée "pour le grand côté bi de madame". Je me demande si, à l'image de mon trio, les dames en questions avaient un côté (même micro) bi avant de rencontrer celui qui avait follement envie de voir deux garces se gougnotter, et si cela pouvait se faire sous son fouet, alors encore mieux, double bonus et extra ball. D'autres fois, c'est la soumise qui aurait envie de s'exercer à la domination (pour faire comme papa ?), donc de la même manière qu'on adopte un chat pour désennuyer son chien, ou des poissons rouges pour amuser son chat, le maître dans sa grande mansuétude offre une soumise à sa soumise. L'idée étant que bien sûr, les deux cochonnes sauront s'occuper consciencieusement du verrat (par exemple l'une sert de repose-pieds et l'autre un cocktail avec un petit parasol dedans, une certaine idée du bonheur et d'IKEA réunis).

On assistera éventuellement à un très signifiant glissement sémantique. La première concubine, ou l'épouse, est l'esclave. Titre honorifique. Elle mange assise et on lui fait l'amour. La concubine en second, il ne s'agit pas de froisser les sentiments de la plus ancienne, est la chienne (passés quarante ans, les couples ainsi constitués cherchent une "jeune chienne"). Qui bouffe dans la gamelle et se prend un gode dans le cul les jours fastes, mais pas de boules Quiès dans les oreilles quand les patrons escaladent bruyamment l'escalier qui mène au 7ème ciel. Cette option séduira ceux que la version sœusœur et l'inceste latent ne tente pas.
La dernière venue tiendra son rang comme dans toute entité polygame, trois pas derrière, 2ème classe, partira en vacances avec le Club Med ou Framtours, et s'en retournera, du foutre encore entre les dents, dormir chez elle.

Rue Bricabrac, bdsm, trio
© Rosalie O'Connor

Nos nanomaîtres envoient souvent leur soumise chercher la nouvelle proie. Certaines dès lors prennent leurs cliques, leur laissent les claques, et claquent la lourde. Le nanomaître ira s'en chercher une toute neuve tout seul, faut trimer bonhomme, avec qui il réitérera, mot pour mot, geste pour geste ce qu'il a fait et ce qu'il n'a pas eu le temps de faire avec la précédente. Da capo. On finira bien par se retrouver à la coda.
Un jour, une soumise A qui flairait l'embrouille chez son cher et dur, prend un pseudo B de secours et d'observation. Ca ne traîne pas, elle se fait accoster par une naïve novice C qui lui transmet les désirs d'extension du domaine de la domination de son propriétaire. Lequel est par ailleurs celui de soumise A, qui se pensait la seule, et qui a eu le nez creux en empruntant un pseudo B.

De cette géométrie, triangle équilatéral ou isocèle, de cette algèbre, quand ça pousse à l'exponentielle avec constitution de haras, je ne sais que penser. Est-ce désiré à 100% ? Est-ce de peur de tout perdre ? (Le coup du "elle ou moi", c'est comme rouge ou noir, pile ou face, ou pair et impair, tu as 50% de chances de rafler le tapis, et autant d'y laisser ta chemise.) Est-ce une manière d'échapper à l'aspect pathétiquement petit-bourgeois de l'adultère pour prétendre arpenter le terrain de la transgression dans le train triolisme. Pourquoi en tous cas tant de précipitation à en chercher une troisième ? L'homme (et on a vu dans le texte précédent et dans les commentaires que lorsqu'il est dans une frange dite sm, la compilation de partenaires lui est facile) veut-il coûte que coûte collectionner ? La femme nous fait-elle une variation du syndrome de Stockholm, il a tout bon mon bourreau ? La femme, soumise ou maso, permet-elle mieux qu'une légitime vanille, cette surenchère ? En tous cas, le sm, plus encore que le libertinage (dans son acception la plus moderne et la plus triviale, plus proche de la boîte à touze que de Casanova aux plombs), ne saurait-il se conjuguer que pluriel, pour éviter un attachement qui s'avérerait catastrophique.
Nous avons toutes, tous, connu des soumises détruites par une rupture. Le lien (ni maire ni abbé, vous avez raison, Absolue si vous me permettez ce diminutif raccourci) est tellement plus fort dans un rapport sm, bdsm, D/s, quelque soit la graphie et la nuance, qu'on perd plus de plumes - parce qu'on donne plus de panache ? - quand on largue ou est larguée. Alors, qui sait si les hommes, plus pragmatiques, plus animalement polygames au sens où l'homme peut engrosser cinq femmes en même temps, tandis qu'au contraire des chattes, une femme, même chienne, ne saurait porter les fruits de cinq saillies, ne se prémunissent pas de la perte d'une possible aimée en diluant leur affection (oeufs, paniers, tout ça...).
Maintenant, je serais eux (ce qu'avec bonheur je ne suis pas), je me méfierais. Parce que deux femmes, bien unies, le jour où elles décident de lui démonter la tête, maître, dom, marquis, DAF ou Sévère, ça risque de ventiler façon puzzle.

Selon les personnalités, les sentiments se placent quelque part sur la portée. Encore heureux.

(Pour les mal comprenants qui confondent opinion et jugement, questionnement et sentence, je n'ai aucune religion en la matière, bien au contraire, mes aventures avec P(an) et P(an) en sont la preuve. À cela près que nous ne cherchons pas de grand appartement bien insonorisé avec poutres apparentes et sans vis à vis, que P(an) accepte de ne faire que passer, pour le plaisir, tandis que P(an) trouve son grain à moudre dans mon fantasme.)

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