Ceint d'une bande rouge, de celles qui permettent de signaler que le livre vient de recevoir le Goncourt, ou qu'il a été écrit par le Goncourt de l'an passé, si ce n'est qu'ici, le bandeau est inamovible, parti prenante de la couverture, incapable de servir de signet, condamnant le roman à être lu d'une traite, se présente un nouveau texte de soumise, Frappe-moi ! de Mélanie Muller (Editions Blanche). En noir sur rouge, à côté de la photo de Mélanie, brune au carré, raie de côté, sourire esquissé, là pour bien nous signaler que sous le nom de Muller M. ne se cache pas un de ces écrivains mâles appointés par les maisons d'édition pour écrire des livres érotiques au féminin, trois titres : Histoire d'O, Le lien, Frappe-moi ! Avec les dates, 1954, 1993, 2005. Ce qui laisse supposer deux choses. La première, c'est que pendant quarante ans, aucun texte de soumise n'est pas paru. L'île retournera à l'oubli dans lequel il baigne déjà et hélas. La seconde, et en faisant abstraction des qualités (ou absence de qualités, on ne raisonne-là qu'en termes médiatiques et chiffres de vente), c'est qu'on tient la sainte famille, la trilogie parfaite, Pauline la mère, Vanessa la fille, et Mélanie, la sainte spirituelle.

Spirituelle ? C'est encore à voir. Mélanie Muller, nous dit la quatrième de couverture, a trente ans (sur le site de Sous le Manteau, qui partage un Franck Spengler avec les Editions Blanche, elle en a 28...) et est peintre et sculpteur, à Strasbourg. Frappe-moi ! est son premier roman. (Roman qui revient donc souvent, en gros en couv', en petit en quatrième, ce n'est pas un récit...) L'esprit, dont sont souvent dépourvues ces phrases où les membres sont turgescents, les seins des pommes juteuses et le ciltoris une perle.
(Perso, au premier sexe qui turgesce, j'ai envie de balancer le livre et de passer au suivant.)
Une fois de plus, il s'agit d'une oie qui rencontre (minitel, réseau ?) un vieux (je schématise, elle a vingt ans et des brouettes, il a la quarantaine fatiguée, si fatiguée qu'elle pourrait être une cinquantaine, et mystérieuse, forcément mystérieuse). Il semblerait d'ailleurs que le maître de circonstance ne soit pas un de ces sado qui hantent les soirées mais que ce soit la femme, pas non plus partie dans le trip "soum cherche militaire", qui fasse poindre (ou jaillir comme on turgesce) ces pulsions du fin fond de son inconscient. Ils font la tournée des popotes et des clichés en vigueur dans ce genre d'écriture. Parfois, quand entre deux chapitres, Mélanie Muller, sur la page de gauche, glisse deux phrases brèves en incise, on sent très fort, très clair, très bien, cet amour aphasique. Quand elle sort toute la panoplie des parfums, des saveurs, des fragrances, des odeurs pour parler de sa cyprine (acacia, miel, thé... j'en ai oublié) ou de son sperme, façon oenologie, on repart se perdre dans des méandres chichiteux.

Etrangément, plus elle parle de chair, plus le texte se désincarne dans la convention.

Finalement, Frappe-moi ! de Mélanie Muller, ce n'est jamais qu'une démarque des Carnets d'une soumise de province de Caroline Lamarche ( aussi dans une collection blanche, mais celle de Gallimard), le sens et la plume en moins.

Seul réconfort de lectrice, à la fin...
(attention, spoiler)

Et c'est un merveilleux soulagement. Pour le lecteur.

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