Il y a deux/trois sujets qui me trottent dans la tête, façon petit vélo, c'est à dire hamster dans sa roue, à part faire des ronds, ça ne produit guère de sens. Les mots clés, pour parler comme un moteur de recherche, sont séance et amour. (Ce qui ne fait que deux, le troisième, celui qui m'interroge, c'est l'enfant que les deux pourraient faire ensemble.)

L'une et l'autre ont été très bien traités, presque simultanément, par mes payses blogueuses Mélie et Aurora. Mais ce n'est pas pour autant que ce cochon d'Inde a cessé de trottiner dans ma cervelle.

Photo @lton

Le mot séance, je l'ai utilisé. Si ce n'était pas celui-là, c'était un synonyme. La séance, comme chez le psy, oui Mélie, comme au cinéma, oui M'sieur Eddie, c'est le temps, cerné par un couple de parenthèses, que l'on consacre à nos ébats sévères. Un 5 à 7, les heures peuvent changer, bdsm, jeux de rôles acceptés mais pas obligatoires. Les prostiputes parlent de passes, les vanilles de siestes crapuleuses ou de fêtes du slip, les bdsm de séances. Pendant la séance, la license est permise. Ensuite, on renfile ses oripeaux quotidiens, personne ne douterait que ta main a tenu le fouet, que ta bouche a insulté, que mon dos porte les cicatrices fauves de ta barbarie séquencée, que mon sexe pleure encore de bonheur. On se donne rendez-vous à la prochaine séance. Mardi prochain, même heure, même punition, comme ils disent, les vanilles, justement. Ou le mois prochain. Ou un autre jour, avec un autre. Les habitués des tchattes le savent bien, le mot séance est encore plus utilisé que tabou (comme dans "as-tu des tabous ?"). Comme à la Comédie Française, la séance supporte l'alternance, la pièce est la même, les acteurs peuvent changer.

Comment échapper à la séance ? Comment vivre heureusement le bdsm en oubliant cette notion réductrice ? En le vivant 24/24 et 7/7 ? Le sm à temps plein, un rêve de Maîdef ? Comme le couple emblématique ? Comme d'autres peut-être plus anonymes mais tout autant impliqués ? Ca signifie quoi ? Se plier au joug des règles de la soumission, brûler ses dessous, porter le collier même en entretien d'embauche ? Je caricature ? Quoique... À regarder autour de moi, il me semble que tous ceux (et je ne peux parler que de ceux qui s'exposent, forcément, on nage dans le truisme, là..., à moins que l'exhibitionnisme ne soit une composante majeure du bdsm, de leur bdsm) qui s'impliquent corps et âme dans le bdsm, ne peuvent, à un moment ou un autre, que se professionnaliser. Autrement dit en vivre. Ou essayer. En ouvrant des clubs et en collant madame à la caisse, comme au Grand Café ; en louant leurs prestations de fouetteurs émérites dans des soirées dédiées ; en mettant leurs compétences initiales (écriture, art, commerce, que sais-je) au service du bdsm. Ou comment la séance devient cinéma permanent. Là, me dit-on, il y a amour.

Depuis trente ans, et à l'exception de ma première expérience (avec Maître Stéphane qui s'appelait Franck pour ceux qui n'ont pas suivi...), je ne suis tentée ni par la première option, et encore moins par la seconde. Non point que je n'aie envie de me faire fouetter, fouailler, fouiller et foutre chaque jour, je suis avide, bien plus que ma chair ne peut le supporter. Alors, pas assez maso pour les uns, trop extrême pour les autres, carrément nunuche on m'a dit, je me promène dans les contre-allées de leur monde bien balisé (comme on dirait borné, comme on dirait normé) sans plus trop me demander où je me situe entre dogme et doxa. (Et quand je lis, non sans émotion, que mes mots jetés en vrac sur un modeste bout de toile pas même de Jouy, ont pu réconforter ne serait-ce qu'une seule Onde, je me dis que finalement, il y a bien une rime quelque part...) Et j'espère du fond du corps, donc du coeur aussi, que j'ai donné, que je te donne à toi qui m'es cher, autant de jouissance que j'en reçois.

Entre les baltringues de passage pour 36 heures qui cherchent soum pour séance ce soir et les pros du plug qui ont fait aiguilles en première langue, il y a nous, les autres, ceux et celles pour qui le lit est une scène et la relation une chaîne.

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