La dolce vita

C'est une idée d'été. Qui rime avec farniente. Enfin, pas niente pour tout le monde. Un vieux fantasme de petite fille qui remonte à la surface et qui ricoche.

C'était il y a longtemps, quand je ne savais pas que les cordes sentaient si bon le chanvre, permettaient de se lier à la douleur et de grimper au plafond. J'ignorais tout des emballages dans du film alimentaire. D'ailleurs, le film alimentaire n'existait pas encore. Les pots de yaourt étaient en carton ou en verre, c'est dire si c'était il y a longtemps. On m'aurait dit bondage, j'aurais compris bond d'âge, je n'aurais rien compris donc.
En revanche, je savais tout des tapis que l'on roule pour mieux les dérouler, dans le jardin, sur une grille à cet effet pour les battre vigoureusement d'une tapette en forme de trèfle. Je pouvais très bien m'imaginer roulée dans un tapis. Et battue comme du blé mûr.
Se faire battre à travers un tapis, c'est ok pour l'emprisonnement, ça l'est moins pour la sensation, étouffée. Juste un simulacre. Juste de quoi permettre à une fillette de dessiner sa sexualité future.

Peinture Geneviève Van der Wielen

Toujours dans un jardin, apparut le hamac. Ce berceau balançoire appelle à la sieste et la détente tandis que ses encordages accueillants et rustres à la fois ne demandent qu'à s'emmêler, qu'à s'entortiller, qu'à jouer les sournois serpents de coton, qu'à se refermer sur les corps comme un cocon implacable. C'est jouable. Ce serait jouissif.

Je dormirai, un livre encore à la main, comme cela arrive l'été l'après-midi quand les nuits sont trop courtes et les journées trop chaudes. En deux tours de main, tu m'embobines. Le temps d'une inspiration, la tienne, d'un soupir, le mien. Je ne peux plus bouger, prise dans les filets, far niente, il n'y a pas d'autre mot, admirable abandon en perspective. Ma peau, les cordes, le hamac, ton long martinet, tout cela ne fait plus qu'une seule tresse qui se fond et palpite. Mon armure est illusoire, les ficelles marquent les chairs qu'elles protègent. Seul mon livre abrite mon ventre. De ne pas me voir autrement que comme cette chrysalide perdue dans sa soie te métamorphose. Mon corps inhibé par ce caparaçon n'envoie plus de signaux. Le cruel instrument t'oblige à plus de distance. Mes cris se perdent dans les sifflements des lanières déchaînées. Des tétons aux talons, tu m'entoures de morsures. Plus tu fouettes, plus le hamac semble se refermer sur moi, plus je m'enfonce dans un monde parallèle où la douleur explose en petites bulles de bonheur. Je souffre mille diables, mille démons qui m'excitent.

Il faudra bien vite que tu me déroules, que tes doigts courent sur la carte de tous les rouges que tu viens de dessiner avec ta nacelle complice, que ta langue en tâte le relief, que ta bouche me boive et me délivre.

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