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Je suis généralement épargnée par la publicité, écoutant des stations de radio publiques, regardant la télé à l'heure où les ménagères de moins de cinquante ans sont chez Morphée, voyant flou les 4 x 3 des rues. Quand par hasard, il y a une coupure pendant Alias (saleté de Teva) ou avant Les Guignols, j'attrape le livre ou le quotidien qui n'est jamais bien loin, et je m'y plonge.

C'est une phrase qui m'a sortie de mes lectures, il y a quelques soirs. "Je ne lave pas mon intimité comme je me lave les pieds." claironnait une gourdasse sur le ton qu'elle devait penser avoir été celui d'un Archimède sortant de sa baignoire avec un "Eureka" tonitruant. J'en reste coite. Son "intimité" ??? Que je n'aime pas ces périphrases.

Le lendemain, ou le surlendemain, il devait y avoir matraquage, car je découvre l'intégralité de cette publicité pour un produit soi-disant d'hygiène féminine (où l'on remarquera qu'il n'existe pas d'équivalent au masculine, ce qui laisse supposer toutes les hypothèses les plus rances sur la considération qu'ont les publicitaires et les femmes elles-mêmes, hélas, pour le vagin.).

Le premier plan de cette pub est une bouche d'un rose délicat, posée bien droite sur sa commissure, le petit génie de la communication nous ressortant de son jean - sûrement peinturé par un créateur - ce bon vieux sourire vertical qui avait déjà servi à un opticien, mais en version oeil (pour la peine, en plus des Monologues du vagin, on relira Histoire de l'oeil, tiens, ça me rappelle que je dois faire cuire des oeufs).

Trop fort ça, des lèvres pour des lèvres, pas même besoin d'être fortiche en rhétorique ou de se gratter l'infra-texte pour saisir la métaphore. (Il paraît que certaines se font aussi refaire les lèvres du bas, pour qu'elles soient bien ourlées et délicates.)

Sous la forme, maligne (comme rusée, mais comme tumeur aussi), il y a le message. Qui ne dit rien d'autre que "un con, c'est sale". C'est caché, qui plus est parfois par une forêt pileuse, intérieur, c'est une grotte insalubre, une caverne cracra. Le poncif n'est plus de toute première fraîcheur. Rien à voir avec le sexe d'homme, qui même quand son propriétaire se néglige, oublie l'usage de l'eau courante et ne change de slip qu'une fois la semaine (c'est quoi la moyenne INSEE déjà ?), s'affiche en extérieur dans toute sa mollesse de tamanoir (je parle pour les non circoncis) fatigué. Il y a du WYSIWYG chez le mec. Et du dissimulé chez la nana, fourbe jusqu'aux organes.

Dans la grande famille sm, certains pratiquent le lavement comme un jeu érotique, puisqu'ainsi doit être considérée la punition. Dans les tables du système maîtrique, on trouve moult histoires de soumises remplies à ras bord, gonflées comme des outres, pluguées d'importance pour être sûr que tout ça tienne bien en place. (A ces lectures, je ne peux m'empêcher d'imaginer la nocive pas novice décidant de jouer au retour de la revanche de la bouteille de champ' tiède, qui d'un pet et d'un seul, mais létal, envoie le bouchon dans les gencives du bourreau, pour une version scato de l'arroseur arrosé.) Aux Etats-Unis, les bobos locaux se font faire un "colonic", reprise du bon vieux clystère dans un environnement thalassothérapeutique. C'est dans ce même pays que certaines gynécologues conseillaient à leurs patientes d'agrémenter leur bain de quelques gouttes de javel, pour être sûre d'être bien propre de partout.

Grâce à l'innommable produit (qui devrait n'être délivré que sur ordonnance tant il est délicat de faire mumuse avec les flores, qu'elles soient buccales, vaginales ou intestinales), plane de nouveau sur les femmes cette suspicion d'impureté inhérente. Il ne lui reste plus qu'à faire binôme avec une marque de dentifrice, pour relancer l'antienne de vagin denté (viens mon gros loup, j'ai une surprise pour toi).

Pourtant, ces lèvres verticales, délibérément tendres et opalines (aux antipodes donc des bouches hypertrophiées laquées de rouges, diaboliques et menaçantes, de femmes à la sexualité accomplies, il y a pensé, le pubard) auraient pu servir de support à une jolie initiation à la sexualité. Lèvres-ci, lèvres-là, on les lèche pareillement, on les mordille, on les entrouvre de la langue pour voir ce qui s'y cache. On les fait gonfler. On les rend humides. On y met un doigt, ou deux, ou une queue, ou deux (mais là, ça devient de la goinfrerie).
Je tourne la tête, je t'ouvre mes jambes, tes lèvres sur les miennes, mais lesquelles, le goût de mon sexe sur mes lèvres par la liqueur des tiennes. Et on emmerde L******d.