Delf

Il y a des images, dans le flot de toutes celles que l'on peut trouver sur Internet, qui forcent l'attention. Et le respect. Et l'admiration. Soudain, on vibre, l'oeil s'arrête, la pupille se dilate, on respire plus vite, la boîte à fantasme se met en route.

Celles de Delf G., en noir et blanc, ces couleurs de soirées guindées et de tuxedo, de lune et de nuit, de chambre noire et de blanc virginal, en font partie. Avec toutes les nuances qui naissent de la rencontre de l'ombre et de la lumière.
Elles n'ont rien de tape à l'oeil, ni de saute au paf. Sans doute aucun, elles sont SM, on ne peut plus, mais sans une ombre d'ostentation. Elles rappellent des circonstances, des propositions, des positions que nous aimons, que nous pratiquons, que nous aimerions pratiquer.

Il arrive à me faire saliver (à vrai dire, cette forme humide de l'émotion est bien moins septentrionalement située que le niveau du palais) devant des images d'hommes attachés, sans même que j'ai besoin de m'y identifier. Juste parce que je fonds devant cette façon paradoxale de saisir à la fois l'abandon du sujet et la tension de ses muscles. L'un et l'autre imperceptibles. Rien est appuyé chez lui, même les close-up.

Mais chaque image permet de se raconter son histoire. Peut-être différente de ce qu'il avait en tête quand il l'a imaginée, puis réalisée. J'y vois, derrière l'extrême sophistication de la prise de vue, la balance des blancs et la quête du constraste parfait, une forme de naturel. La mise en scène, puisqu'il y a bien évidemment mise en scène, semble refuser toute impression de contrainte, de force, d'imposition.

Ses femmes entravées sont exemplaires. Jamais le chanvre ne chavire la chair, pas une seule seconde les chaînes ne mordent du maillon. C'est la femme qui tient le bondage plus que le bondage qui maintient la femme. Elle éternuerait que ses liens tomberaient à ses pieds, je suis sûre. On en croirait presque que les cordes les attendaient et qu'elles s'y sont glissés comme on s'enroule dans un drap.

Ces images me parlent de la complicité éclatante entre la ligotée et son maître des noeuds. Les cordes sont là comme un vêtement, comme un drapé, comme un tissage inachevé qui ne cache rien, qui n'ordonne rien qui ne soit accepté, et qui met en valeur le corps, la pose, la dédicace, l'intention, le don. Une proposition à l'offrande, une invitation à la capture. Une absolue confiance.

Toutes les photos présentées sont bien entendu de Delf, et n'ont été reproduites qu'avec l'autorisation de l'auteur. Ses galeries complètes sont ici.