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"Moi qui vous parle, j’ai bandé à voler, à assassiner, à incendier et je suis parfaitement sûr que ce n’est pas l’objet du libertinage qui nous anime, mais l’idée du mal ; qu’en conséquence, c’est par le mal seul qu’on bande et non pas pour l’objet, en telle sorte que si cet objet était dénué de la possibilité de nous faire faire le mal nous ne banderions plus pour lui." (Donatien Alphonse François de Sade in Les 120 journées de Sodome)

Bernard Noël, grand sadien devant l'éternel, qui utilisa cette citation dans sa préface aux 120 journées de Sodome, vient d'écrire une pièce (publiée chez Lignes/Manifeste) qu'on joue en ce moment au Théâtre de la Colline à Paris et qui sera ensuite représentée à Nancy, Le retour de Sade.

Ressuscité par la pimpante Thérèse d'Avila qui depuis quelques siècles est revenue sur terre mettre sa foi et son entrain au service des papautés successives, Sade retrouve sa tête mais pas ses esprits. Il se croit sulfureux, antéchrist, blasphémateur. On lui apprend qu'il est un classique, c'est à dire quelqu'un qu'on ne lit plus. Et ceux qui le lisent, notamment des 120 journées déjà citées, compilation boutiquière de sévices fantasmés, pouffent devant ces profanations éculées et trouvent leur auteur bouffon. Ses livres aujourd'hui sont des petites bouffées de rigolade dans un monde d'horreurs cruelles. Sic transit gloria sadi...

Sous la plume concise et experte de Bernard Noël, le bien retourne le mal comme une crêpe, et vice et versa, d'ailleurs tout est cul par dessus tête dans cette scénographie sur deux niveaux. La mitre coiffe la chevelure de sirène d'une frêle papesse qui n'en a pas due bene pendentes mais une origine du monde bien étroite où l'oeil de Dieu sera chaudement choyé. Sade est interprété par l'exceptionnelle Dominique Valadié, autoritaire, extra-terrestre et aux variations vocales singulières.

Ecouter le texte dit par ces cinq comédiens est une jouissance, et comme toute bonne jouissance, le rire s'accorde à l'esprit.

On en profitera pour se féliciter de ce que les Unions des Familles à Droite de la France et autres groupuscules épiscopaux genre Intolérance et Censure ne sortent pas ou peu, se contentant de mater les affiches sur les murs et les culs de bus avant de lancer des anathèmes. Ainsi, là haut sur la colline, on peut théâtrer en paix. Espérons-le, le sieur Noël a déjà eu maille à partir avec Anastasie pour son premier et plus grand texte, Le château de Cène. (Vous allez voir qu'il vont finir par déposer le ™ pour la Cène, les calotins...)