GinaPane

Figure de proue de l'art coporel, ou Body Art comme on dit plus communément sans se soucier de la loi Toubon, Gina Pane est une artiste qui ne peut qu'interpeller particulièrement une masochiste.
Non point que celle-ci, moi je en l'occurrence, ne s'identifie une seule seconde à celle-là qui fait de son propre corps la toile et le pinceau de ses messages, de ses cris silencieux. Mais il y a quelque chose sur l'expression par la douleur, sur le corps sexué et sexuel, sur l'énergie vitale, qui interroge et fascine.

J'ai croisé Gina Pane dans les années 70, un jour qu'elle se produisait exclusivement devant des femmes, dans un ballet de roses et d'épines, se tailladant la paume pour figurer la fleur, se plantant une à une les épines de l'intérieur du poignet à la saignée (bien nommée) du coude.

Gina Pane soutenait ses actions par un discours militant et esthétique, espace affectif, condition de la femme, don de soi, conscience au monde. Je ne dirai pas foutaises, je pense juste à autre chose, quelque chose de plus primitif, de moins sacré (à l'instar de certaines masochistes, dont une Liberame apparue puis disparue dans un même temps récent, et que je ne peux donc linker, Gina Pane dans les dernières années de son parcours en référait aux saints donc aux martyrs, saisie par la tentation mystique).

Que me dit cette femme qui a construit une drôle d'échelle-espalier hérissée de piquants ? Qu'est ce que je ressens à voir aussi bien les cotons imprégnés de ses règles que le sang de ses pieds lacérés qui frôle presque mes chaussures ? Est-ce que je partage, dans un coin de mon inconscient, une douleur avec ce corps couché sur un sommier sous lequel brûlent de multiples bougies ?

Gina Pane parle d'amour, elle a érigé son corps en matière, elle a fait de la souffrance un stylo, elle a offert tout cela à des inconnus, je ne l'ai jamais vue rire. Est-ce que son corps savait, par quelqu'un intuition reptilienne qu'il allait finir bouffé par un tas de métastases ? Est-ce que le tropisme vers la douleur, sexuelle ou artistique, jeu adolescents avec des lames rasoirs ou sublimation de la souffrance par la religion ou la performance, naît forcément dans un magma thanatophile ?

Je n'ai aucune réponse. Je m'interroge souvent sur mon masochisme (c'est cyclique et ça se termine invariablement par un "et merde, à moi l'orgasme"), je lis Reiz ou Assoun, je saisis tout, je ne comprends rien, tout me parle, rien ne me dit.

Gina Pane "Terre-Artiste-Ciel" est exposée au Centre Pompidou jusqu'au 16 mai. On pourra trouver le choix des installations un peu timoté par rapport à ce qu'était le personnage, surtout à partir des années 1970.

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