La première chose que j'ai faite en descendant du Thalys a été de chercher un coffee-shop. A peine si j'ai déposé les bagages. Je t'ai laissé, las du voyage et de mon idée fixe, dans la maison que les H. nous avaient prêtée pour une semaine. Une maison comme sur une carte postale, en bord de canal, étroite et superbe. Dans le living de ce presque loft, il y avait, vestige des commerces de grains, une roue d'époque, simple objet de déco maintenant (les H. sont assez sidérants pour cela, couple totalement vanille, mais recélant toujours des objets du culte comme cette pagaie lourde et lisse dans leur nid en Normandie). Quelques piliers porteurs sollicitaient aussi l'imagination et promettaient des loisirs inédits.

Mais pour le moment, la mienne, d'imagination, était tout entière peuplée de feuilles dentelées et de fumée odorante. Pas un neurone qui n'était azimuté coffee-shop.

Trente minutes après, j'étais de retour avec des têtes de premier choix et une minuscule pipe en métal, qui me rappelait la Californie.

J'ai sonné, j'ai attendu que tu descendes cet escalier tellement raide, aux marches larges comme la moitié de ton pied. Tu es venu m'ouvrir, je me suis jetée dans tes bras, mais au lieu de m'enlacer, me réchauffer, tu m'a serré le bras, la nuque, tu as dirigé ma tête vers l'escalier. Tout au long, tu avais sur certaines marches, disposé nos jouets, de manière aléatoire en apparence, ici un paddle, là le battoir, le martinet plus haut, la cravache plus bas. C'était aussi attirant qu'effrayant. La nature morte avait de la gueule, chemin des supplices escarpé, ludique oui, sadique tout autant.

La configuration minimale et raide de l'escalier m'obligeait à une position inconfortable et déséquilibrée. Les pieds en danseuse, les cuisses écartées, les mains posées deux marches plus loin, la jupe troussée par dessus la tête, les cheveux traînant sur le sol, aveuglée par la soie et le coton, j'ai senti que tu essayais, pour de vrai, pour la première fois, de m'arracher ma culotte, mais la rétive solide ne se laissant pas déchirer, tu l'as tirée jusqu'à ce qu'elle rentre entre mes fesses, me soulevant presque au passage, me meurtrissant la barquette.

Tu n'as pas ménagé ta force, et en un rien de temps, la lourde lanière de cuir m'avait enflammée, chassant le froid humide des canaux en novembre qui me collait à la peau. Tu me frappais par volées de dix, retentissantes, brûlantes, encore supportables, très excitantes. Je grognais de contentement sous mes jupes.

D'un coup de genou dans le derrière, tu m'as faite avancer, dans cette position absurde et indigne. Et à marche supplémentaire, degré supérieur dans la punition. Il fallait que je compte ce qui allait s'avérer être des coups de cravaches, cette cravache en nylon que tu venais d'acheter, qui sifflait comme un serpent diabolique et qui zébrait à coup sûr. A coups sûrs. Tellement sûrs que mes jambes en tremblaient et qu'à plusieurs reprises, mes genoux se sont dérobés. Sèchement, joignant la voix au geste, tu m'as relevée en tirant sur cette ficelle entortillée qui quelques minutes avant était encore une coquette culotte dentelée. Tu m'as chipoté, c'est de bonne guerre, j'aime tant cette injustice dans nos jeux, deux ou trois coups pas assez bien articulés. C'est certain, avec mon cul aussi tendu et mon visage enfoui, la cravache faisait plus de bruit de ma voix.

Toujours aussi rude avec moi, tu m'as encore fait gravir une marche, je ne sais pas quel était le numéro du ciel qui m'attendait à l'étage, mais en ce moment, c'étaient des fenêtres avec vue sur un certain enfer que tu m'ouvrais, à bras déployé. Et à sexe érigé, si j'en crois la protubérance que tu frottais sur mes fesses, en guise d'intermezzo. En plus de compter, il fallait maintenant que je te remercie. À plusieurs moments, trop aigus, j'ai déguisé mon cri en merci. J'avais décidé de ne pas plier, ni supplier. Tu voulais jouer, je jouerai aussi. J'allais amadouer la douleur, la faire mienne, j'irai au devant de ton bras. Quoique, dans cette position, pas trop moyen, sauf à me mettre sur le pointe des pieds, d'être plus proche, de m'avancer encore. Mais je le ferai. Et après cette troisième session, au bon vieux martinet des familles, je suis venue me coller contre ton jean, aiguiser les sensations de ma peau tannée contre le tissu rugueux. Ca marche à chaque fois, ça décuple mes sensations. De plusieurs doigts, tu as fouillé mon sexe, j'étais tellement trempée qu'un clapotis se fit entendre. J'ai léché ta main avec avidité. Et je t'ai encore remercié, pour tant de suspense, tant de soupirs, tant de surexcitation.

Le latex mordant m'attendait. Le défi consistait, sous peine de deux coups par cri, à ne pas manifester autrement que par le comptage et les remerciements, le plaisir ou la douleur. J'ai planté mes dents à plusieurs reprises dans le tapis de l'escalier pour ne pas laisser échapper les hurlements que provoquaient cette saleté de latex rond et blessant.

Et plus je souffrais, et plus tu m'interdisais de plier les genoux, de lever un bras comme une vaine défense, de gémir, de japper, de sursauter, plus je gravissais ces foutues marches, plus je jouissais sans retenue, mon foutre entre les cuisses, à croire que c'était toi qui y avait éjaculé.

J'ai posé mon front au sol, pour me soulager.

Je ne sais pas comment tu as réussi à me garder ainsi à cette frontière de la douleur bonheur sans que jamais je ne me roule en boule, position foetale de soumission régressive, peut-être parce que la menace qui planait était que tu ne lécherais pas ma peau lacérée, que tu ne me ferais pas l'amour, que tu me laisserais entortillée dans mes vêtements, en feu et en pleurs sur les marches, et que tu irais à ton tour faire la tournée des coffee-shop.

Je ne pensais plus à te défier, tu m'avais matée. J'attendais le palier, j'attendais la fin du cyclone qui s'abattait sur moi, j'attendais que tu t'enfonces en moi, les boutons de ta braguette appuyant sur mon arrière-train plus attendri qu'un tartare, à vif, m'enculant en guise de point final, faussement brutal, adorablement bestial.