Il y a trente ans, en décrivant le derrière framboise d'une Michèle aimée dans Eloge de la fessée, Jacques Serguine m'avait ravie (comme on dit kidnappée). Non pas seulement parce que son playdoyer pro fesso (la claque comme variante appuyée de la caresse) me rassurait et m'excitait (oui, je me suis branlée sur cet essai, à n'en plus pouvoir, à en connaître des paragraphes par coeur, à n'avoir plus besoin du livre mais cette couverture rose qui portait l'empreinte d'une paume ouverte était devenue un objet du désir et de rite), mais encore parce qu'il maniait, une plume coruscante.

                        

Quelques Cruelle Zélande et Les Barbares (pour n'en citer que deux) plus tard, Jacques Serguine passe de pile à face avec De la coupe aux lèvres. Toujours aussi brillant sans faux semblants, érudit sans cuistrerie, il dédie ce livre trop court au sexe de la femme, au sexe nu, au sexe épilé.

                        

Perso, je revendique mon appartenance au MLF (Mouvement de Libération des Founes) et je ne m'épile que le "maillot échancré", comme dit l'esthéticienne (évitant le "ticket de métro" rebaptisé par mes soins "la moustache à Hitler"), mais à lire ces cinquantes pages, j'aurais presque envie, pour un homme, un homme qui me parlerait comme Serguine, avec cette envie succulente et gamine à la fois qu'il sait mettre dans les mots, de "...casser le noyau pour avoir l'amande, l'amande d'un sexe de femme..."

Serguine, contrairement à pas mal d'hommes friands d'épilation intégrale, ne nie pas ce qu'il y a d'enfantin dans un sexe épilé, et de nostalgie des petites fiancées des temps passés, quand on ne savait pas, quand on n'osait pas, ou si peu. On feuillette comme on effeuille De la coupe aux lèvres, (suivies d'Ecrire l'Eros, entretien avec l'auteur), passant d'hommage à bricolage, tour d'horizon des vulves et guide pratique des méthodes épilatoires.

"Enlève ta petite culotte, enlève ta petite fourrure, montre-moi dans ta confiance et dans la leur ton olive, ou ton amande, ton petit escargot rose. Oh, regarde-toi aussi, c'est trop mignon, il bave !"