Mal

Avant-hier, tu m'as fait mal. Du mal qui ne faisait pas toujours du bien, juste du mal.

Je ne sais pas si tu l'as fait exprès, je ne sais pas si j'avais envie de ce type douleur. Peut-être avions besoin de cela tout les deux. Peut-être ai-je fantasmé.

En tous cas, hier matin, je me suis réveillée avec des marques impressionnantes. J'ai essayé de les aimer. Je les ai prises, donc je me suis prise, en photo, et je t'ai envoyé le cliché. Comme un appel au secours, comme un bonjour, comme un au revoir, comme un point, virgule ou final, comme un soupir, comme un silence, comme un non-dit, comme un trop plein. Tu n'as pas répondu. Je ne sais pas si tu as aimé, détesté, gardé, regardé, jeté. J'ai longtemps hésité avant de te l'envoyer, après tout, tu n'as rien demandé cette fois-ci. A vos marques, pas prêt, partons.

J'ai eu très mal mais je ne t'ai pas demandé d'arrêter, j'ai enduré la douleur, j'avais envie d'une punition, j'ai peut-être même inventé une partie de cette douleur, tellement j'avais envie d'expier. Je me disais que tu te vengeais des mots durs que j'avais eu, de la manière dont je t'avais lacéré avec les mots, le seul fouet que je sache manier. J'aurais souhaité que tu ponctues les coups d'un discours sévère, de reproches, parce que j'aurais pu le prendre comme un pardon. Mais tu n'as pas parlé. Tu ne parles pas. Tu pars juste.

Je n'ai pas eu l'audace de te demander ce que tu avais ressenti, si j'étais seule dans ma spirale de culpabilité, ou si nous mimions l'un et l'autre les gestes qui furent les nôtres. Le seul fait que je le pense était déjà une amorce de réponse.

J'ai eu mal comme on a mal quand on se casse. Ce qui me faisait mal, c'était l'amour (ou quelque chose de moins définitif mais un peu pathologique et que pour les commodités du discours, on appellera ainsi) envolé, les sentiments taiseux et la mécanique mimodramatique d'une union qui ne pouvait plus exister.

Et pourtant, je n'ai qu'une envie, c'est d'avoir encore mal par toi, pour toi, tout en sachant que l'autre douleur, celle qui m'habite quand tu n'es pas là, quand je crois que tu m'oublies, quand je perds pied et que je n'ai pas tes bras comme barque, quand mon corps ne peut pas s'arrimer au tien comme une ancre - c'est lourd une ancre, c'est noir aussi -est elle insupportable, crucifiante, sans contrepartie heureuse, sans volupté. Maso oui, martyre non.

Fais-moi mal, s'il te plaît.