Attache-moi. Les liens sacrés du mariage. La bague ou les menottes ? Garder le lien. Je te suis attachée. Ils sont très liés. Bondage, bandage.

Je n'ai jamais eu de grandes attirances pour ce qui pouvait entraver ma liberté, mariage ou cordages, même si ces derniers font partie de la grande famille du bdsm, et qu'ils ont nourri mes fantasmes, j'ai mis longtemps à accepter d'être attachée, et je me souviens que la première fois que la main d'H. a enserré ma cheville avant de l'entourer d'une des ceintures de judo qui nous servaient de cordes, j'en ai coulé de volupté, et il a senti sous sa paume le frisson de fascination qui m'a parcourue.

Fallait-il qu'il m'entrave ainsi pour que je lui sois plus attachée que je n'avais jamais été auparavant à aucun des hommes, vanille ou épicé, qui avaient musardé dans mes draps ?

Que dit-on quand on prétend être attachée à quelqu'un ? On est en content ou on le regrette ? C'est le début des emmerdements, quand on y pense, superglu et KGB. Sans attachement, pas de douleur, pas d'aliénation.

L'attachement physique, chaînes ou chanvre, a ceci d'avantageux qu'il disparaît comme il venu, il ne dure qu'un temps, déterminé à l'avance. Les menottes, ce n'est jamais devant dieu (qui est mort) et les hommes (qui s'en foutent). On est dans le réel, bien moins lourd de conséquences que le symbolique.

            

Et si la bague, celle qui insulte ma liberté quand c'est mon dominamant qui la porte au doigt, celle qui m'envoie backstreet, underground et horizontale, celle qui signe le lien sacré du conjugo, et si cette saloperie de bague, qui attache l'autre à d'autre, une autre, des autres quand il y a enfant, appartement et crédit mutuel, était la garantie de ma liberté, in fine ? Tu es attaché, tu peux m'attacher.

Parce que si j'ai tendance à considérer les hommes commes des Urgo, les mecs Téfal, j'en veux pas.

Je suis une glue, une arapède, une éperdue, je me colle, je m'accroche, je me cramponne. Ou plutôt, je le ferai si je m'y autorisais. Comme je risquerai d'avoir cette faiblesse, je place l'interdit plus en amont.

Mais quand tu m'attaches, solidement, je t'appartiens, pleinement, comme aucune épouse n'appartiendra jamais à son mari. On est dans le littéral, le concret.

Quel est le comble du bondage ? Se faire attacher par un homme marié.

La bague, cette fameuse bague qui m'insulte tout court quand l'homme me frappe ou me caresse, qui sait s'il ne glisse pas en moi, quand il me baratte et me donne tant de plaisir, cet annulaire serti d'or, n'ai je pas même léché un jour, dix fois, dégoulinant de mon foutre, cet anneau en même temps que la main qui le portait, ce signe de son appartenance à une autre, à une institution, à un serment. Et si la bague n'était que le bout apparent d'une laisse, longue et souple et lâche, mais laisse tout de même, plus forte que bien des chaînes. La bague, c'est la synecdote du collier des soumises, des chaînes à boulet des bagnards, des menottes de la flicaille, du bracelet de cheville des esclaves. Elle est en métal précieux, ornementale, fine, légère, mais présente. Elle annonce la couleur.

Tu as envie de me lier, et pour cela, tu as, nous avons, des bracelets de cuir, des cordes de chanvre, du cordonnet violet, des chaînes, toutes sortes de gadgets qui me réduisent à l'impuissance et nous ravissent. J'ai envie de ces liens, et j'ai aussi besoin d'un lien, dont je parle souvent, un mot, une odeur, une pensée, de savoir que même loin, il y a quelque chose d'existant, de concret, de solide, de ténu, de présent, qui nous relie. Et qui fait que nous formons une entité. L'abstrait me fatigue, m'indiffère. J'aime ce qui peut se toucher, se regarder, se soupeser, se pétrir, se respirer, se manger, dans quoi on peut s'enfouir, sous quoi on peut se réchauffer, contre quoi on peut se cogner. Qui existe de toute la force de ses molécules.

Je veux aussi ma bague. Pas celle qui concerne dieu (qui c'est déjà ?) et les hommes (donc les femmes), celle qui me dit que nous nous appartenons, pour autant qu'on puisse appartenir à quiconque. Je ne comprends pas le mariage, je ne comprends pas le couple, mais je comprends la bague. C'est séduisant (et utopique) de se dire que contre vents et marées, on est liés.

C'est attachant, l'idée du lien...

D'ailleurs, je crois que j'ai besoin que l'on m'attache pour ne pas que je me détache. Si tu me lâches des yeux, des mots, s'il y a 24 heures de silence, d'absence, je panique. Un petit maillon de rien du tout me suffit, une pétale de myosotis, un sms, une pensée par courriel, je ne suis pas gourmande rapport à l'anneau. Si je ne l'ai pas, je pense à rompre, je m'éparpille, je m'émiette, je coule.

Et le bondage dans tout ça ? Peut-être l'emphase du lien, la certitude, au moins pendant ce temps là, que je te serais attachée.