En rentrant, j'ai trouvé un fax qui ressemblait à s'y méprendre à un de ces menus qu'on trouve dans les dîners à chichi et autres noces. C'était d'ailleurs un menu, soigneusement typographié de plus.

Chaud froid de lune marbrée façon McMiche Méli mélo de tétons froissés et chairs pincées sur canapé Etoile de terre dans sa toile d'araignée

P'têt bien qu'oui, pt'êt bien qu'non (alias trous normands façon Buridan)

Croupe épicée au grill à l'unilatérale Etouffé de gorge chaude au miel pour marmiton lubrique Tartare de chatte sous des doigts brûlants

Café, cravache et mignardises moelleuses

A la main, tu avais gribouillé un rapide post scriptum. "Les châtiments et divertissements dureront tant que les chandelles brûleront...et le safeword ne sera pas recevable. Tu as évidemment le droit de préférer un dîner plus conventionnel et réserver dans le restaurant de ton choix."

Pourvu que tu ne surenchérisses pas trop, en profitant de cette situation où pour la première fois, je n'aurais pas, en toute conscience, la possibilité de sortir mon joker et tout stopper d'un mot. Pour une fois aussi, tu allais être maître, maître queux, certes, pas tout court, d'ailleurs, tu n'es pas court, jeune homme, et comme je ne suis pas cordon bleu, je me contenterai d'être le plat du jour (et les rondeurs de ta nuit ?). Un plat du jour obligé de préparer les sauces auxquelles il allait être mangé. Il y a un plaisir exquis à se faire la complice plus que consentante de son bourreau et de mettre en place la scène de son supplice.

Alors, j'ai mis à congeler des glaçons en abondance, et en souvenir de la mère Ségur, j'ai en bonne petite diablesse posé le martinet sur un plateau de laque et de Chine d'un rouge sombre, très de saison. Juste à côté, en allant vers l'intérieur, Nadine de Rotschild serait fière de moi, j'ai disposé toutes nos pinces, des plombs de pêche à celles en bois, et les autres, les dentées reliées par une chaîne. Tes cordes rapportées du Japon et dignes d'un maître des noeuds ont trouvé leur place sur le plateau inférieur de la table basse. Posé contre elle, dans un équilibre fragile, le redoutable bambou, seul capable quand manié avec dextérité, de cingler de lignes parfaitement horizontales et verticales des fesses soigneusement maintenues en place. Les suédois qui l'ont dessiné n'avaient sûrement pas prévu que mon siège de travail ergonomique supplérait sans soucis à un chevalet. La cravache à trouvé sa place sur le plateau, et jetés négligemment dans un fauteuil ou sur un coussin, la panoplie complète des liens, fouets, paddles, bracelets, mousquetons, le contenu de la boîte de Panpandore éparpillé au gré de l'humeur. Et moi, posée au milieu de cet étrange tableau, t'attendant en ayant du mal à me concentrer sur mon livre, nue sous une de tes chemises, comme un de ces muffins dans son papier sulfurisé.

On le savait déjà pour le canapé et quelques chaises, mais j'ai appris à mes dépends et délices, qu'un banal salon bobo peut devenir le plus équipé des donjons gothiques, il suffit d'un peu d'imagination, raisonnablement de muscle et de cordage en abondance. Les yeux bandés, perdant très vite le sens du temps autant que de l'espace, j'ai été à ta main (ce qui veut dire tes mains, ton sexe, ta bouche, tes dents, ton corps...) Galatée pliée comme un pantin, étirée comme une danseuse, ployée, cambrée, et bien sûr, fouettée, fouaillée, fourrée.

Avant que la dernière bougie n'expire, alors que j'avais crié autant de douleur que de jouissance, que j'étais aussi pantelante qu'une poupée de chiffon passée, à la fin d'un marathon, sous un rouleau compresseur , tu m'as marqué de la cire restante et bouillante au creux des reins, entre les fossettes, d'un sceau large comme ta paume, coulis cramoisi pour un insolite bijou trop grand.

Et quand je pense que c'est moi, à la croupe présentement endolorie au point de ne pouvoir m'asseoir ni pour dîner de mets moins cuisants ni pour relater les faits comme tu aimes que je le fasse, qui t'avais initié à cet amusement d'après-midi, le très badin café cravache. Et voilà que tu étends l'idée à tous les plats d'un festin flamboyant. (Ô combien !).