Je me souviens de mon premier martinet, acheté à la Samaritaine (on y trouvait alors vraiment tout) en compagnie d'un amant anglais, moustachu, philosophe (c'est un métier) et sans imagination.

Je me souviens de mon premier coup de canne, à plat ventre sur la table de la salle à manger, les cuisses tremblantes, et une odeur de jasmin qui a coincidé avec l'impact. Depuis, le parfum du jasmin a une signification très particulière.

Je me souviens de ce godemiché fait maison et main, composé d'anneaux (de caoutchouc, à rideaux ?, je ne sais plus) collés à un manche de bois et qui rendait fou.

Je me souviens que je n'aime pas les godemichés.

Je me souviens du premier homme qui m'a dit je t'aime en me frappant. Il avait les cheveux longs, j'étais attachée bras en l'air, et je n'ai jamais autant pleuré. Les coups n'y étaient pour rien.

Je me souviens d'un dom chochotte qui avant de me fesser avait enfilé des gants fins de soie noire pour protéger ses mains. Casser la voie... vers le plaisir.

Je me souviens de la maîtresse d'école qui fessant cul nul un petit garçon blond m'a procuré à 5 ans et demi mon premier orgasme (oui, bon, c'était une décharge d'adrénaline) et la révélation de mon masochisme.

Je me souviens d'une phrase du Général Dourakine de la Comtesse de Ségur, quand la vieille acariâtre tombe dans une trappe dérobée et reste coincée à hauteur d'épaules, jupes relevées "elle se sentit fouettée". Ces quatre mots me donnent le vertige.

Je me souviens qu'une amie m'a empêché de voler une fleur de métal sur la tombe de la comtesse née Rostropchine au cimetière d'Auray.

Je me souviens de ton regard hanté hier soir.

Je me souviens de ma fierté un peu imbécile quand j'ai reçu d'une traite cent coups de fouet, scrupuleusement comptés. A ma décharge, j'étais très jeune et c'était la première fois.

Je me souviens d'un orgasme spontané, à peine avais-je eu besoin de presser les cuisses l'une contre l'autre, à seize ans et à la deuxième scène de flagellation de la Justine de Sade.

Je me souviens de cette Saint-Valentin où en guise de coeur, il y avait mon cul, flamboyant d'un rouge baroque.

Je me souviens de tous ceux qui se sont déshabillés en gardant leurs chaussettes.

Je me souviens de H. qui ne m'a jamais baisée mais qui faisait bouillir mon imagination (en plus d'enflammer mes sens et d'incendier mon corps), pour qui j'ai inventé le café cravache et le jeu du chapeau.

Je me souviens d'une longue nuit de Noël où au matin, après trois heures de sommeil seulement, encore avide et affamée, il n'y avait plus que le haut de mon dos qui pouvait encore supporter les coups.

Je me souviens de ma longue quête d'un maillot de bain à jambettes, ce n'était plus mais pas encore de nouveau la mode, compatible avec les marques ostentatoires et la pratique natatoire.

Perec, pardon !