Ce soir-là, les voisins avaient embarqué poupons et valises, direction vacances. Pour la première fois depuis longtemps, et je t'avais prévenu il y a quatre jours quand j'avais appris leur départ, je n'allais plus me soucier du qu'en entend-on et pouvoir, à loisir, à plaisir, crier et toi claquer.

Quand tu m'as faite rouler sur le lit, pour que je sois à ton plus près, tu aimes me battre comme ça, collée à toi ou emmêlée dans tes jambes, comme en ce moment, la tête sur ta cuisse, jusqu'à venir embrasser ton érection mal contenue par un jean rèche dont le seul contact sur ma joue me réjouissait déjà. Quand j'ai pu reprendre mon souffle et décoller ma bouche du denim tendu, je t'ai dit que de toutes façons, tu ne pourrais jamais me faire mal. Avec toi, la douleur n'a jamais le temps de s'installer comme telle, elle devient plaisir comme par magie, presque instantanément, comme ces mouchoirs que les prestidigitateurs transforment en fleur, ou comme ces fleurs qui filmées en macro s'épanouissent en accéléré. Le temps que le bruit du coup arrive à mes oreilles, il est déjà ondes de plaisir. Je mouille autant que je brûle.

Je ne sais pas si tu as essayé de me faire plus mal que d'habitude, je ne pense pas que tu aies pris ma confession comme un défi, j'espère que tu l'as entendue comme un cadeau. Au premier contact, libérateur comme le tonnerre, j'étais déjà sur cet anneau de Moebius, quelle piste est la douleur ?, quelle piste est le bonheur ?, comme sur un grand-huit, mue par tes mains, tes coups, tes intromissions, tes pincements, tes empoignades, tes agrippages, doigts bondeurs ou bandés, inquisiteurs ou imprimeurs. Arrimée à ton corps qui tanguait avec le mien, couchée sur toi, j'ai collé mes lèvres aux tiennes, ta langue comme un bâillon, et j'ai soufflé ma souffrance dans ta bouche, et mes délices aussi.

Je t'ai demandé si tu voulais sentir mes cris sur ta queue, les variations de mon souffle, ma bouche qui s'ouvre encore plus grande que l'impossible. Tu m'as fait chanter les arias de ton choix, ta langue sur mon bouton, tes dents sur la motte, tes doigts élargisseurs, tes mains tambourinantes, ta barbe de deux jours excitant les chairs rendues fragiles par ces gifles sur le sexe que nous affectionnons tant. Avec deux doigts seulement, chacun au plus profond de moi, tu m'as projetée en avant, tu as pincé mes seins jusqu'au bleu, tu les as fait glisser le long de ta queue, tu les as tordus, tu les as torturés, tu les as triturés. J'ai bouffé tes couilles pour étouffer mon cri.

Peu après, quand j'ai joui, quand j'ai posé la tête sur ton mollet, quand j'ai vu les traces de tes incisives le long de la veine bleue du poignet, j'aurais été incapable de dire si tu m'avais fait mal ou pas. Quand tes mains ont griffé et pétri mon cul, j'ai compris que tu avais tapé dur. Quand tes doigts du bout de la pulpe se sont faits aériens pour une caresse, je me suis demandée si tu m'effleurais vraiment ou si tu te contentais de survoler de quelques millimètres ce rougeoyant champ de bataille.

Et pourtant, tu n'avais pas encore touchée, je n'avais pas encore été touchée, par la cravache, le paddle et les autres accessoires cruels encore rangés comme à la parade.